Page:Pline l'ancien - Histoire naturelle, Littré, T1 - 1848.djvu/29

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semblent avoir été enlevés par la destinée. Trois ouvrages sans doute, ont reçu, dit-on, une inscription définitive : Un tel a fait ; j’en parlerai au lieu et place ; ce fut la preuve manifeste que l’auteur s’était complu dans sa confiance en son œuvre, et ces trois productions excitèrent vivement la jalousie.

Je confesse franchement qu’on peut beaucoup ajouter à mes ouvrages, non seulement à ce livre-ci, mais encore à tous ceux que j’ai publiés, soit dit en passant aux Zoïles ; et je puis bien parler ainsi, puisque j’apprends que des stoïciens, des dialecticiens, et même des épicuriens (quant aux grammairiens, je m’y suis toujours attendu), sont en travail de critique sur le livre que j’ai publié touchant la grammaire ; voilà dix ans qu’ils avortent : moins longue est la gestation des éléphants. Pourquoi m’en étonner ? Ne sais-je pas que Théophraste, homme d’une éloquence si grande qu’il en mérite ce nom divin (θεόφραστος, homme au parler divin), fut l’objet des attaques d’une femme, et que de là naquit le proverbe : N’y a-t-il pas de quoi se pendre ? Je ne puis m’empêcher de citer des paroles de Caton le censeur, qui ont trait à ce que je dis ; et l’on verra que Caton écrivant sur la discipline militaire, lui qui avait appris la guerre sous Scipion l’Africain, et on peut dire sous Hannibal, qui n’avait pu supporter la supériorité même de Scipion, et qui avait reçu le titre d’impérator et les honneurs du triomphe, était menacé des coups de ceux qui cherchent de la renommée en abaissant la science d’autrui. Que dit-il, en effet, dans ce livre ? « Je sais que ce qui est écrit, une fois mis au jour, trouvera beaucoup de vétilleurs (vitiligent), surtout parmi ceux à qui la vraie gloire est étrangère. Je laisse passer leurs discours devant moi. » Le mot de Plancus n’est pas non plus sans esprit : on lui disait qu’Asinius Pollion préparait contre lui des discours qui devaient être publics par Pollion ou par ses enfants après la mort de Plancus, pour que ce dernier ne pût répondre : « Il n’y a, dit-il, que les vers qui fassent la guerre aux morts. » Ce mot les a frappés d’un tel discrédit, que les savants les regardent comme ce qu’il y a de plus impudent.

Ainsi, tranquille même contre les vétilleurs (vililitigatores), mot que Caton a élégamment composé des mots vice et litige (que font-ils en effet autre chose que de chercher matière à litige ?), avançons ce qui me reste à dire. Le bien public exigeant que j’épargne votre temps, j’ai ajouté à cette lettre la table de chacun des livres ; et tout mon soin a été de la faire tellement exacte que vous n’eussiez pas à les lire. Par là le reste des lecteurs vous devra d’être exemptés de parcourir tout l’ouvrage ; et chacun ne cherchera que ce qu’il désire, et saura où le trouver. C’est un exemple déjà donné dans notre littérature par Valérius Soranus, dans le livre qu’il a intitulé Epoptides (tableaux). Adieu.