Page:Pline l'ancien - Histoire naturelle, Littré, T1 - 1848.djvu/682

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dans le même temps, ont donné l’exemple de deux excès opposés : la maison de Scaevola ne suffisait pas à sa campagne, la campagne de Lucullus ne suffisait pas à sa maison. En cela on était repris par les censeurs quand on avait moins à labourer qu’à balayer. La disposition d’une maison de campagne n’est pas sans demander un certain art. C. Marins, sept fois consul, en fit construire une dans le territoire de Misène (III, 9), le dernier de tous, et il le fit avec l’habileté qu’il avait dans la castramétation ; à tel point que Sylla l’Heureux disait même que, comparés à Marius, ceux qui l’avaient précédé avaient été des aveugles.

2. Il est reconnu qu’il ne faut bâtir ni auprès des marais ni avec une rivière en face : Homère (Od., V, 469) a remarqué avec toute vérité que les fleuves exhalent toujours, avant l’aube, des vapeurs malsaines. La maison doit regarder le nord dans les localités chaudes, le midi dans les localités froides, le lever équinoxial dans les localités tempérées. Bien que, en parlant de la meilleure espèce de sol, nous puissions paraître avoir suffisamment exposé (XVII, 3) à quels caractères on la reconnaît, cependant nous en consignerons de nouveau certains indices traditionnels, en employant surtout les paroles de Caton. L’hièble, le prunier sauvage, la ronce, le petit bulbe (XIX, 30), le trèfle, l’herbe de pré, le chêne, le poirier et le pommier sauvages, sont les indices d’une terre à blé. Il en est de même de la couleur noire ou cendrée de la terre. Un terrain crayeux brûle, à moins qu’il ne soit très maigre ; le sable brûle aussi, s’il n’est pas en même temps extrêmement fin : ces remarques sont beaucoup plus sûres pour les plaines que pour les coteaux.

3. Les anciens ont pense qu’avant tout il fallait une mesure dans l’étendue d’une terre ; car leur maxime était : Semer moins et labourer mieux ; je vois que telle était aussi l’opinion de Virgile (Georg., II). A dire vrai, les grandes propriétés ont perdu l’Italie, et elles commencent déjà à perdre les provinces. Six propriétaires possédaient la moitié de l’Afrique, lorsque l’empereur Néron les mit à mort. Cn. Pompée, par une grandeur d’âme spéciale dont il faut lui tenir compte, n’acheta jamais le champ d’un voisin. Magon veut qu’en achetant une terre on vende sa maison de ville ; arrêt trop dur, et qui n’est pas conforme à l’utilité publique. C’est par cet exorde qu’il débute ; cela montre du moins qu’il voulait que le propriétaire résidât.

4. Il faut ensuite s’occuper d’avoir des métayers entendus : Caton (De re rust., V) a donné beaucoup de préceptes à ce sujet. Quant à nous, qu’il nous suffise de dire que le métayer doit être presque aussi habile que le maître, sans toutefois avoir lui-même cette opinion. La plus mauvaise culture, comme tout travail exécuté par des désespérés, est celle que l’on fait par des esclaves enchaînés. On m’accusera peut-être de témérité d’énoncer une maxime des anciens qui pourra paraître complètement incroyable : c’est que rien n’est moins avantageux que de très bien cultiver.

5. L. Tarius Rufus, qui, né dans la dernière classe, arriva par ses talents militaires au consulat (an de Rome 737), et qui du reste était d’une économie antique, dépensa à acheter des terres dans le Picentin, et à les cultiver pour la gloire, au point que son héritier refusa l’héritage, environ cent millions de sesterces ( 21, 000, 000 fr.) qu’il avait amassés, grâce à la libéralité du dieu Auguste.