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LIVRE XIX.

veilleux : ce qui l’est, c’est que chaque fil était composé de cent cinquante brins. On s’en étonnera si on ignore que la cuirasse d’un ancien roi d’Égypte, nommé Amasis, laquelle cuirasse se montre dans l’île de Rhodes en un temple de Minerve, est faite de fils composés chacun de trois cent soixante-cinq brins (viii, 63) ; Mutianus, trois fois consul, a récemment publié à Rome qu’il avait lui-même vérifié le fait, et qu’il ne restait presque plus rien de cette cuirasse, grâce au dommage causé par les vérifications de ce genre. L’Italie estime aussi le lin des Péligniens, mais il n’est employé que par les foulons ; aucun n’est plus blanc, ni plus semblable à la laine. Celui des Cadurciens (Cahors) est principalement recherché pour les matelas ; les matelas sont une invention de la Gaule, ainsi que les lits rembourrés ; l’usage de l’Italie [qui était de coucher sur la paille] se reconnaît encore dans le mot stramentum (lit de paille).

6 Le lin d’Égypte est le moins fort de tous, et rapporte le plus ; il y en a quatre espèces : le tanitique, le pélusiaque, le bétique et le tentyritique ; ce sont les noms des cantons où viennent ces espèces. La partie supérieure de l’Égypte, du côté de l’Arabie, produit un arbrisseau nommé par quelques-uns gossipion (xii, 21) (cotonnier), par la plupart xylon (bois) ; d’où l’on appelle xylines les étoffes qui en proviennent ; il est petit, et il porte un fruit semblable à une noix barbue ; l’intérieur contient un duvet que 7 l’on file : aucune étoffe n’est préférable à celle-là pour la blancheur et la souplesse ; on en fait les vêtements favoris des prêtres d’Égypte. Il y a une quatrième espèce de lin qu’on nomme orchoménien ; ce lin provient d’une sorte de roseau de marais (xvi, 66) (arundo donax) ; on n’emploie que la tête. L’Asie tire du genêt (xxiv, 40) un lin excellent pour les filets, qui durent longtemps à la pêche : pour le préparer, on fait macérer l’arbrisseau pendant dix jours. Les Éthiopiens et les Indiens tirent le lin d’un fruit semblable à nos pommes ; les Arabes, de courges (bombax pentandrum) qui viennent, comme nous l’avons dit (xii, 21), sur des arbres.

1 III. Chez nous la maturité du lin se reconnaît à deux signes : la graine se gonfle, et il jaunit ; alors on l’arrache ; on en fait de petites bottes à remplir la main ; on le fait sécher au soleil, debout, les racines tournées en haut le premier jour ; puis pendant cinq autres jours les têtes des bottes sont appuyées les unes contre les autres, pour que la graine tombe au milieu. Cette graine 2 a des vertus médicamenteuses, et elle entre dans un certain mets rustique et très-doux, en usage dans l’Italie transpadane ; mais depuis longtemps, d’ordinaire, on ne s’en sert que dans les sacrifices. Après la récolte du blé, les tiges du lin sont plongées dans une eau échauffée par le soleil, et tenues au fond à l’aide d’un poids ; car rien n’est plus léger. On reconnaît qu’elles sont suffisamment rouïes quand l’écorce est devenue plus lâche ; on les fait sécher au soleil comme précédemment, la tête en bas. Une fois sèches, on les bat sur une pierre, à l’aide du maillet destiné à cet usage. Le partie la plus voisine de l’écorce se nomme étoupe ; c’est un lin d’une qualité inférieure, et qui n’est guère propre qu’à faire des mèches de lampe. Toutefois, on sérance l’étoupe avec un séran de fer, jusqu’à ce que toute l’écorce soit tombée. La partie intérieure donne plusieurs sortes, distinguées d’après leur blancheur et leur souplesse. Filer le fin est honorable, même pour les hommes. Les chenevottes s’emploient à chauffer les tourtières et les fours. C’est un art que de savoir sérancer le lin et