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LIVRE XXVI.

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I.

1(I.) Le visage même de l’homme a éprouvé des maladies nouvelles, et inconnues à toute l’antiquité, non-seulement en Italie, mais presque dans l’Europe entière ; et alors même ces maladies ne se sont guère répandues dans l’Italie, l’Illyrie, les Gaules et Espagne, ni ailleurs ; mais elles ont sévi à Rome et dans les environs. Elles n’étaient ni dangereuses pour la vie ni douloureuses ; mais elles étaient si dégoûtantes, qu’on eût préféré la mort, sous quelque forme qu’elle se fût présentée.

II.

1 La plus insupportable de toutes fut celle qu’on appela, d’un nom grec, lichen (1) : comme elle commençait généralement par le menton, les Latins, par plaisanterie d’abord (tant le commun des hommes est porté à plaisanter des maux d’autrui) lui donnèrent le nom de mentagre, dénomination qui est restée. Chez beaucoup de malades elle occupait le visage entier, à l’exception seulement des yeux ; mais elle descendait aussi sur le cou, la poitrine et les mains, en laissant sur la peau de sales croûtes farineuses.

III.

1 Ce fléau n’était point connu de nos aïeux ni de nos pères ; c’est vers le milieu du règne de l’empereur Tibère qu’il se glissa pour la première fois en Italie. Il fut apporté d’Asie, où il avait apparu, par un certain chevalier romain de Pérouse, greffier du questeur. Cet homme en fut l’introducteur. Le mal ne gagna pas les femmes, les esclaves, le bas peuple ou même la classe moyenne ; mais il attaqua les grands, se propageant surtout par le contact rapide d’un simple baiser. Plusieurs de ceux qui avaient pu se résoudre à souffrir l’application des remèdes en conservaient des cicatrices plus hideuses que le mal. On le traitait, en effet, par les caustiques ; et si l’on ne cautérisait pas jusqu’aux os, le mal repullulait. 2Il vint alors d’Égypte, mère d’affections semblables, des médecins qui n’avaient que cette spécialité, et qui en firent bonne curée : il est certain que Manilius Cornutus, personnage prétorien, lieutenant de la province d’Aquitaine, s’engagea à payer pour le traitement deux cent mille sesterces (42 000 fr.). Plus souvent, au contraire, il est arrivé que de nouveaux genres de maladies ont attaqué les classes inférieures. Que peut-on voir de plus singulier ? Des épidémies soudaines surviennent dans certaines contrées, s’attachent, comme par une sorte d’élection, à certaines parties du corps, à certains âges, même à certaines conditions ; les unes frappent les enfants, les autres les adultes ; celles-ci les grands, celles-là les pauvres.

IV.

1 Ce fut, est-il écrit dans les Annales, pendant la censure de L. Paulius et de Q. Marcius (an de Rome 590), que parut pour la première fois en Italie le charbon (2), maladie particulière à la province Narbonnaise. Il est mort de cette affection, dans la même année, et pendant que nous écrivions ceci, deux personnages consulaires, Julius Rufus et Q. Lecanius Bassus ;