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PLINE.
fut défendu par un sénatus-consulte d'immoler un homme (ⅩⅩⅧ, 3, 3 ) ; ce qui prouve que jusqu’à cette époque on faisait de ces horribles sacrifices. um factum est , ne homo immolarelur ; palamque fuit in empus illud sacri prodigiosi celebratio.
Ⅳ. Les Gaules ont été aussi possédées par la magie, et même jusqu’à notre temps ; car c’est l’empereur Tibère qui a supprimé leurs druides, et cette tourbe de prophètes et de médecins. Mais à quoi bon rapporter ces prohibitions au sujet d’un art qui a franchi l’Océan, et qui a pénétré jusqu’où cesse la nature ? La Bretagne cultive aujourd’hui même l’art magique avec foi et de telles cérémonies, qu’elle semblerait l’avoir transmis aux Perses. Ainsi tous les peuples, quoiqu’en discorde et inconnus les uns aux autres, se sont accordés sur ce point. On ne saurait donc suffisamment estimer l’obligation due aux Romains pour avoir supprimé ces monstruosités dans lesquelles tuer un homme était faire acte de religion, et manger de la chair humaine une pratique salutaire. Ⅳ. Gallias utique possedit , et quidem ad nostram memoriam. Namque Tiberii Cæsaris principatus sustulit Druidas eorum , et hoc genus vatum medicorumque. Sed quid ego hæc commemorem in arte Oceanum quoque transgressa, et ad naturæ inane pervecta ? Britannia hodieque eam attonite celebrat tantis cerimoniis, ut dedisse Persis videri possit. Adeo ista loto mundo consensere , quamquam discordi et sibi ignoto. Nec satis æstimari potest , quantum Romanis debeatur, qui sustulere monstra , in quibus hominem occidere religiosissimum erat, mandi vero etiam saluberrimum.
Ⅴ. (Ⅱ.) Comme l’enseignait Osthanes, il y a plusieurs espèces de magie : la magie emploie l’eau, les boules, l’air, les étoiles, les lampes, les bassins, les haches, et beaucoup d’autres moyens ; toutes pratiques qui promettent la divination, et en outre les colloques avec les ombres et les enfers. De notre temps, l’empereur Néron a eu la preuve que ces choses n’étaient que vanité et chimères. En effet , non moins que pour les chants de la cithare et de la tragédie, il se passionna pour la magie : quel excitant que la plus haute des fortunes humaines avec les vices profonds de l’âme ! Avant tout il désira de commander aux dieux, et rien chez lui ne fut (3) plus magnanime. Jamais personne ne prodigua plus d’encouragements à un art ; pour cela rien ne lui manquait, ni richesses, ni pouvoir, ni intelligence pour apprendre , ni le reste (4) , dans un naturel qui fatigua le monde. C’est une preuve immense, indubitable, de la fausseté de cet art, que Néron y ait renoncé. Et plût au ciel qu’il eût consulté sur ses soupçons les enfers et tous les dieux qu’on voudra, plutôt que d’avoir remis son odieuse inquisition aux prostituées et aux suppôts de mauvais lieux ! Il n’y a point de superstition , quelque barbare et farouche qu’on la suppose, qui n’eût été plus douce que les pensées qui l’agitaient. Par là, et d’une façon plus sanglante, il peupla d’ombres nos demeures. Ⅴ. (Ⅱ.) Ut narravit Osthanes, species ejus plures sunt. Namque et aqua, et sphaeris, et aere , et stellis, et lucernis, ac pelvibus, securibusque, et multis aliis modis divina promittit : præterea umbrarum, inferorumque colloquia : quæ omnia ætate nostra princeps Nero vana falsaque comperit : quippe non citharæ tragiciqne cantus libido illi major fuit , fortuna rerum humanarum summa gestiente in profundis animi vitiis. Primumque imperare Diis concupivit, nec quidquam generosius voluit. Nemo umquam ulli artium validius favit. Ad hæec, non opes ei defuere , non vires ; non discentis ingenium, aliaque non patiente mundo. Immensum et indubitatum exemplum est falsæ artis quam dereliquit Nero : utinamqne inferos potius et quoscumque de suspicionibus suis deos consuluisset, quam lupanaribus atque prostitutis mandasset inquisitiones eas : nulla profecto sacra, barbari licet, ferique ritus, non mitiora quam cogitationes ejus, fuissent. Sævius sic nos replevit umbris.
Ⅵ. Les magiciens ont certaines défaites : ainsi ils disent que les dieux n’obéissent pas ou ne se laissent pas voir à ceux qui ont des taches de rousseur. Serait-ce là l’obstacle qui arrêta Néron ? Du côté du corps, rien ne lui manquait. Quant au reste, il lui était loisible de choisir les jours convenables, facile d’avoir des brebis complètement noires, agréable même d’immoler des hommes. Le mage Tiridates était venu le trouver à Rome, apportant dans sa personne le triomphe d’Arménie, et , à cause de cela, foulant les provinces sur son passage. Il n’avait pas voulu aller par mer, parce que les mages regardent comme interdit de cracher dans la mer, et de souiller cet élément par quelques-unes des excrétions nécessaires à l’humanité. Il avait avec lui amené des mages, il avait initié Néron à des festins magiques ; et cependant l’empereur, qui lui donnait un royaume, ne put recevoir de lui l’art de la magie. Soyons donc bien persuadés que c’est une chose détestable , impuissante, vaine, ayant pourtant quelques secrets trop réels ; mais alors ce n’est plus l’art de la magie, c’est l’art des empoisonnements. Qu’on se figure les men- Ⅵ. Sunt quædam Magis perfugia , veluti lentiginem habentibus non obsequi nomina, aut cerni. Obslet forte hoc in illo ? Nihil membris defuit. Nam dies eligere certos liberam erat : pecudes vero , quibus non nisi ater colos esset, facile. Nam homines immolare etiam gratissimum. Magus ad eum Tiridates venerat , Armeniacum de se triumphum afferens, et ideo provinciis gravis. Navigare noluerat, quoniam exspuere in maria , aliisque mortalium necessitatibus violare naturam eam fas non putant. Magos secum adduxerat. Magicis etiam cœnis eum initiaverat. Non tamen quum regnum ei daret, hanc ab eo accipere artem valuit. Proinde ita persuasum sit , intestabilem , irritam , inanem esse, habentem tamen quasdam veritatis umbras : sed in his veneficas artes pollere , non magicas. Quærat aliquis , quæ sint mentiti veteres Magi , quum adolescentibus no-