Page:Pline l'ancien - Histoire naturelle, Littré, T2 - 1850.djvu/466

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Livre XXXV.

I

1 Nous avons exposé presque complètement l’histoire naturelle des métaux qui constituent les richesses et des substances qui en dépendent, liant tellement les choses, que nous avons présenté à la fois le nombre immense des compositions médicinales qu’ils fournissent, les mystères des officines (XXXIII, 38 ; XXXIV, 35), et les procédés minutieux de la ciselure (XXXII, 55), de la statuaire (XXXIV, 9) et de la teinture (XXXIII, 36). Restent les terres et les pierres, formant une série peut-être plus nombreuse, et sur chacune desquelles on a écrit, les Grecs particulièrement, plusieurs volumes. Pour nous, nous persévérons dans une brièveté utile à notre objet, sous la condition1 de n’omettre rien de nécessaire, ni aucune substance naturelle.

(I.)
2
Achevons d’abord ce que nous avons encore à dire sur la peinture, art jadis illustre, alors que les rois et les peuples le recherchaient, et illustrant ceux dont il daignait retracer l’image pour la postérité. Mais aujourd’hui il est complètement expulsé par le marbre, et même par l’or ; on ne se contente pas de revêtir des murailles entières, on découpe le marbre, et on représente des objets et des animaux avec des pièces de marqueterie. Déjà même 3 les trumeaux de marbre ne nous plaisent plus, ni ces portions de montagne que la scie étend2 dans nos chambres à coucher ; nous nous sommes mis à peindre même la pierre. C’est une invention du temps de l’empereur Claude. Sous Néron on a imaginé d’incruster dans le marbre des taches qui n’y étaient pas, et d’en varier ainsi l’uniformité, afin que celui de Numidie (XXVI, 8) offrit des ovales et que celui de Synnade (V, 29, 4) fût veiné de pourpre, tels enfin que le luxe aurait voulu que la nature les produisît. C’est ainsi que l’on supplée au défaut des carrières, et le luxe ne cesse de se tourmenter, pour perdre dans les incendies le plus qu’il est possible.

II

(II.) La peinture, qui transmettait à la postérité la ressemblance la plus parfaite des personnages3, est complètement tombée en désuétude. On consacre des écussons de bronze, des effigies d’argent : insensible à la différence des figures, on change les têtes des statues, et là-dessus depuis longtemps courent des vers satiriques, tant il est vrai que tous aiment mieux attirer les regards sur la matière employée, que de se faire connaître. Et cependant on tapisse les galeries de vieux tableaux, on recherche les effigies étrangères ; mais pour soi-même on n’estime que le métal de l’effigie, afin sans doute qu’un héritier la brise, et4 que le lacet d’un voleur la saisisse. Ainsi, aucun portrait 2 n’étant vivant, on laisse, l’image de sa fortune, et non la sienne. Ces mêmes gens ornent les palestres, les salles d’exercice, de portraits d’athlètes ; ils ont dans leur chambre à coucher et portent avec eux le portrait d’Épicure ; ils font des sacrifices, chaque vingtième lune, en l’honneur de la naissance de ce philosophe, et observent chaque mois la fête nommée icade (vingtaine) : ce sont ceux-là justement qui ne veulent pas être connus même de leur vivant.