Page:Pline le Jeune - Panégyrique de Trajan, trad. Burnouf, FR+LA, 1845.djvu/125

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réunir en un seul lieu ce que j’avais à dire du serment ; car je n’ai pas à traiter une matière stérile et pauvre, où il faille étendre et diviser un même genre de mérite, pour en faire à plusieurs fois l’éloge. Rome avait vu luire le premier jour de votre consulat, César, ce jour où, étant entré dans l’assemblée des sénateurs, vous les exhortâtes tous ensemble, et chacun en particulier, à ressaisir la liberté, à partager avec lui les soins de l’empire, à veiller aux intérêts publics, à se lever enfin dans leur force. Tous les princes avant vous ont tenu le même langage ; aucun avant vous n’a trouvé créance. On avait sous les yeux les naufrages de tant d’infortunés qui, voguant sur la foi d’un calme trompeur, furent abîmés par une tempête imprévue. Eh ! quelle mer est aussi perfide que les caresses de ces princes dont l’inconstance et la mauvaise foi sont telles, que leur courroux serait moins à redouter que leurs bonnes grâces ? Avec vous, César, nous marchons, pleins de sécurité et de joie, où vous nous appelez. Vous voulez que nous soyons libres, nous le serons ; vous ordonnez que nous exprimions hautement nos pensées, nous les exprimerons. Le silence que nous gardions n’était point lâcheté ; notre inertie n’était pas en nous. La terreur, la crainte, une malheureuse prudence, fille du danger, nous avertissait de détourner de la république (et la république existait-elle alors ?) nos yeux, nos oreilles, nos esprits. Maintenant la foi de vos serments, la garantie de vos promesses, ouvrent nos bouches fermées par une longue servitude, délient nos langues enchaînées par tant de maux. Vous voulez en effet que nous soyons tels que vous nous ordonnez d’être. Il n’y a dans vos encouragements ni feinte, ni artifice, ni aucun de ces pièges préparés à la crédulité, non sans péril pour celui qui les dresse ; car jamais prince ne fut trompé, qui lui-même n’eût trompé le premier.

LXVII- Oui, tels furent les sentiments du père de la patrie ; j’en juge et par son discours, et par la manière dont il le prononça. Que de force dans les pensées ! que de naturel et de vérité dans les paroles ! quelle fermeté de voix ! quelle expression de physionomie ! combien les yeux, le port, le geste, toute la personne, annonçaient de franchise ! Il gardera donc la mémoire de ce qu’il a recommandé ; et, quand nous userons de la liberté qu’il nous a donnée, il saura que nous lui obéissons. Et ne craignons pas qu’il nous trouve imprudents de