Page:Pline le Jeune - Panégyrique de Trajan, trad. Burnouf, FR+LA, 1845.djvu/141

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saient que les discours des princes ; nos acclamations restaient enfermées dans les murs de ce palais : elles n’avaient rien alors dont pussent se glorifier ni le prince ni le sénat. Celles-ci au contraire devaient, pour l’honneur autant que pour l’intérêt de l’empire, éclater en public et passer à la postérité d’abord, afin que l’univers devînt le témoin et le confident de nos pieux sentiments ; ensuite, pour apprendre à tous que ce n’est pas seulement après la mort des princes que nous osons distinguer les bons des mauvais ; enfin, pour que l’expérience fît connaître qu’autrefois aussi nous étions reconnaissants, mais malheureux, et que l’occasion seule nous manquait d’exprimer notre gratitude. Avec quelle vivacité, quelles instances, quels cris, l’on vous a supplié de ne pas étouffer la mémoire de notre affection et de vos bienfaits, et de ne pas laisser perdre un exemple qui fera loi pour l’avenir ! Il faut que les princes apprennent aussi à discerner les acclamations vraies d’avec les fausses, et qu’ils tiennent de vous l’avantage de ne pouvoir plus être trompés. Ils n’ont pas besoin désormais de se frayer le chemin à l’estime publique, il leur suffit de ne pas l’abandonner ; ni de bannir l’adulation, c’est assez de ne pas lui rouvrir la porte. Ils savent et ce qu’ils doivent faire, et, s’ils le font, ce qu’ils doivent entendre. Quels vœux formerai-je maintenant au nom du sénat, après ceux que j’ai formés avec le sénat tout entier ? Puisse habiter à jamais dans votre cœur cette joie qui alors brilla dans vos yeux ! Puissiez-vous aimer et pourtant surpasser ce beau jour, mériter et entendre de nouvelles bénédictions ! car les mêmes actes peuvent seuls donner lieu aux mêmes éloges.

LXXVI- Mais l’ancien consulat ne sembla-t-il pas revivre, lorsque le sénat, prenant exemple de vous, tint séance, trois jours entiers, pendant lesquels on ne vous vit pas un instant sortir du rôle d’un simple consul ? Chacun fit les questions qu’il voulut ; on put sans péril combattre une opinion, se ranger à une autre, offrir à la république le tribut de ses lumières. Nous fûmes tous consultés ; on compta les voix, et l’on adopta, non le premier avis, mais le meilleur. Auparavant, qui eût osé parler, qui eût osé ouvrir la bouche, excepté les malheureux qu’on interrogeait les premiers ? Les autres, interdits, frappés de stupeur, subissaient (avec quelle douleur dans l’âme ! avec quel tremblement de tout le corps !) cette nécessité même