Page:Pline le Jeune - Panégyrique de Trajan, trad. Burnouf, FR+LA, 1845.djvu/143

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d’un immobile et muet assentiment. Un seul ouvrait un avis, que tous suivaient, que tous désapprouvaient, à commencer par celui qui venait de l’ouvrir : tant il est vrai que rien ne déplaît aussi unanimement que ces actes qui semblent avoir pour eux l’unanimité ! Peut-être l’empereur, en face du sénat, marquait-il à ce corps une déférence étudiée ; mais, à peine sorti, il se réfugiait dans son rang de prince, éloignant de sa pensée, négligeant, méprisant tous les devoirs consulaires. César, au contraire, a été consul comme s’il n’était pas autre chose ; il ne croyait rien au-dessous de lui que ce qui était au-dessous d’un consul. Et d’abord, quand il sortait de sa demeure, il ne voulait pas que la pompe orgueilleuse du pouvoir suprême, ni les tumultueux apprêts d’une foule d’avant-coureurs, retardassent ses pas. Il ne s’arrêtait un moment sur le seuil du palais, que pour consulter les auspices, et recevoir avec respect les avertissements du ciel. Nul n’était chassé devant lui, écarté de son passage. Telle était la contenance paisible de ses appariteurs, la retenue de ses faisceaux, que souvent un cortège étranger le força, tout consul et prince qu’il était, de s’arrêter en chemin. Son cortège à lui était si modeste, si réservé, que l’on croyait voir s’avancer quelque grand consul des vieux âges, revenu au monde sous un bon prince.

LXXVII- Il allait souvent au Forum, souvent aussi au Champ de Mars ; car il assistait en personne aux comices consulaires ; et il éprouvait autant de plaisir à entendre proclamer les nouveaux consuls, qu’il en avait pris à les voir désigner. Les candidats se tenaient debout devant la chaise curule du prince, comme lui-même s’était tenu debout devant les consuls ; et ils prononçaient, sous sa dictée, la formule sur laquelle avait juré naguère un empereur qui attache assez d’importance au serment pour l’exiger aussi des autres. Il donnait à son tribunal le reste de la journée : là, quelle religieuse équité ! quel respect pour les lois ! On l’abordait comme prince : il répondait qu’il était consul. Jamais il ne diminua les droits, jamais il n’affaiblit l’autorité d’aucun magistrat : il les augmentait même, puisqu’il renvoyait beaucoup d’affaires aux préteurs, et cela en les appelant ses collègues ; non pour se populariser et plaire à ceux qui l’entendaient, mais parce qu’il pensait ainsi. La préture en elle-même tenait un si haut rang dans son estime, qu’à ses yeux l’honneur d’être appelé collègue par le