Page:Pline le Jeune - Panégyrique de Trajan, trad. Burnouf, FR+LA, 1845.djvu/159

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tesse, et comme si vous ne pouviez le retenir, un homme vertueux et que vous chérissiez, avec quelle tendresse ? vous l’avez compris à la douleur qui déchira, qui brisa votre âme, au moment où vous cédâtes, vaincu par ses prières. Ainsi, ce que le monde n’avait pas encore vu, le prince et l’ami du prince ayant deux volontés contraires, il a été fait selon la volonté de l’ami. Action mémorable, et digne de l’histoire ! choisir un préfet du prétoire, non parmi les hommes qui s’imposent, mais parmi ceux qui se refusent ! après l’avoir choisi, le rendre à ce loisir qu’il aime avec obstination ; et, tout occupé vous-même des soins infinis de l’empire, n’envier à personne la gloire de la retraite ! Nous comprenons, César, combien nous vous sommes redevables pour votre vie, toute d’action, de labeur et de veilles, puisque le repos est demandé et reçu de vous comme le premier des biens. Que n’ai je pas ouï dire de l’émotion profonde que vous avez ressentie en accompagnant votre ami à son départ ? Car vous l’avez accompagné, César ; et vous n’avez pu vous empêcher de le serrer dans vos bras et de lui donner, sur le rivage, un baiser d’adieu. Le prince est resté debout sur la plage ; et, de cet observatoire de l’amitié, il a imploré pour son ami une mer favorable et un prompt retour, si toutefois il voulait revenir ; il n’a pu le voir s’éloigner, sans le suivre longtemps de ses vœux, de ses larmes. Je ne parle pas de vos libéralités : quels dons pourraient valoir ce tendre intérêt d’un prince, et cette résignation par laquelle vous avez mérité que votre ami se reprochât la force, j’ai presque dit la dureté de son âme ? Je ne doute pas qu’il n’ait délibéré en lui-même s’il ne retournerait point la proue vers la terre ; et il l’aurait fait, s’il n’y avait pas un bonheur plus doux peut-être que d’habiter avec le prince, celui de regretter un prince qui nous regrette. Il jouit donc tout à la fois du plus beau fruit de son élévation, et de la gloire plus belle encore d’y avoir renoncé ; et vous, César, votre condescendance vous aura mis à l’abri du soupçon de retenir jamais personne contre son gré.

LXXXVII- Il convenait à un prince citoyen, au père de la patrie, de n’imposer aucune contrainte, et de se souvenir toujours qu’on ne peut donner à qui que ce soit un pouvoir si grand, que la douceur de la liberté ne soit plus grande encore. Vous êtes digne, César, de confier les emplois à qui