Page:Pline le Jeune - Panégyrique de Trajan, trad. Burnouf, FR+LA, 1845.djvu/21

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mes, et son visage se couvre d’une modeste rougeur ; il reconnaît, il sent que c’est à lui-même et non au prince qu’elles sont adressées.

III. Cette mesure que nous avons gardée tous ensemble dans la soudaine expression de notre enthousiasme, essayons de la conserver individuellement dans nos discours préparés ; et sachons que la plus agréable et la plus sincère action de grâces est celle qui ressemble le plus à ces acclamations qui n’ont pas le temps d’être feintes. Quant à moi, je me ferai une étude d’accorder le ton de mes éloges à la généreuse modestie du prince ; et, sans oublier ce qui est dû à ses vertus, je considérerai ce que peuvent souffrir ses oreilles. Rare et glorieuse destinée d’un empereur, auquel son panégyriste redoute moins de paraître avare que prodigue de ses louanges ! Voilà l’unique souci, la seule difficulté que j’éprouve en ce jour ; car il est facile, pères conscrits, d’exprimer la reconnaissance, quand elle est méritée. Nommer la douceur, ne sera jamais, pour celui que je loue, un reproche d’orgueil ; l’économie, de luxe ; la clémence, de cruauté ; la libéralité, d’avarice ; la bonté, de malveillance ; la continence, de débauche ; l’activité, de paresse ; le courage, de lâcheté. Je ne crains pas même de plaire ou de déplaire, selon que j’aurai assez ou trop peu dit. Je regarde les dieux, et je vois que des prières éloquentes les touchent moins que l’innocence et la sainteté de leurs adorateurs ; et que, pour trouver grâce devant eux, il vaut mieux apporter dans leurs temples une âme chaste et pure, que des hymnes ingénieusement composés.

IV. Mais il faut obéir au décret du sénat, qui, attentif au bien public, a voulu que, sous le titre d’actions de grâces, les bons princes entendissent la voix du consul proclamer ce qu’ils font ; les mauvais, ce qu’ils devraient faire. Ce devoir est aujourd’hui d’autant plus solennel et plus obligatoire, que le père des Romains impose silence aux remercîments particuliers, et ferait taire aussi la reconnaissance publique, s’il se permettait de défendre ce qu’ordonne le sénat. Modération doublement généreuse, d’interdire ailleurs les actions de grâces, et de les