Page:Pline le Jeune - Panégyrique de Trajan, trad. Burnouf, FR+LA, 1845.djvu/93

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observateurs ; que, plein de nourriture et gorgé de bonne chère, il jette à des hommes à jeun, plutôt qu’il ne leur sert, des mets auxquels lui-même dédaigne de toucher ; que, sorti enfin de cette gênante et orgueilleuse représentation qu’il appelle un banquet, il retourne à ses orgies clandestines et à ses débauches secrètes ; cet usage n’est point le vôtre. Aussi n’est-ce pas la vaisselle d’or et d’argent, ni l’ingénieuse ordonnance de vos festins, que nous admirons ; c’est la douceur et l’agrément de votre commerce, douceur dont on ne se rassasie jamais, parce que tout y est vrai, tout y est sincère, tout y est plein d’une noble décence. Ce n’est plus le temps où les mystères d’une superstition étrangère et d’obscènes bouffonneries entouraient la table du prince ; une politesse engageante, un honnête enjouement et de savants entretiens les ont remplacés. Après le repas, vous donnez au sommeil quelques instants, mesurés avec épargne ; et votre amour pour nous resserre dans les plus étroites limites le temps que vous passez loin de nous.

L- Mais si nous sommes associés à la jouissance de vos biens, avec quelle inviolable sûreté nous possédons les nôtres ! On ne vous voit pas, chassant les anciens maîtres, envelopper le dernier étang, le dernier lac, la dernière forêt, dans l’immensité de vos domaines. Les fleuves, les fontaines, les mers, ne servent plus de spectacle à un seul homme : l’œil de César peut voir quelque chose qui ne soit pas à César, et le patrimoine du prince est enfin moins grand que son empire ; car il rend à l’empire beaucoup de richesses dont ses prédécesseurs grossissaient leur patrimoine, non pour en jouir eux-mêmes, mais afin que nul autre n’en jouît. Aussi les demeures illustres s’ouvrent à des maîtres dignes de fouler des traces illustres, et l’asile de la gloire n’est plus souillé par un propriétaire esclave, ou condamné, par un hideux abandon, à tomber en ruine. Nous pouvons contempler les plus beaux édifices, réparés, agrandis, dépouillés de la rouille du temps : signalé service que vous rendez non seulement aux hommes, mais encore aux habitations des hommes, d’en arrêter la chute, d’en bannir la solitude, et de prévenir, dans le même esprit qui les fit élever, la destruction de ces grands monuments. Tout muets et inanimés qu’ils sont, ils me paraissent ressentir votre bienfait, se réjouir d’avoir repris leur éclat, d’être habités, et d’appar-