Page:Pline le Jeune Lettres I Panckoucke 1826.djvu/123

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sées entrent dans l’esprit des autres, comme le fer entre dans un corps solide ; un seul coup ne suffit pas, il faut redoubler. Pour répondre à ces raisonnemens, notre homme s’arme d’exemples : il va prendre chez les Grecs les harangues de Lysias ; chez nous, il me cite les Gracques et Caton, dont les discours, sans contredit, ne pourraient être ni plus concis ni plus serrés. Moi, à Lysias, j’oppose Démosthène, Eschine, Hypérides, et une infinité d’autres. Aux Gracques et à Caton, j’oppose Pollion, Célius, César, et surtout Cicéron, de qui, selon l’opinion commune, la plus longue harangue est la plus belle. Il en est d’un bon livre comme de toute autre chose bonne en soi : plus il a d’étendue, meilleur il est. Ne voyez-vous pas que les statues, les gravures, les tableaux, la figure des hommes, celle de beaucoup d’animaux, et jusqu’à celle des arbres, pourvu que d’ailleurs elles soient agréables, reçoivent de leur grandeur un nouveau prix ? Il en est de même des harangues. Un ouvrage doit à son étendue je ne sais quoi de plus imposant et de plus beau. Mon adversaire, homme subtil et difficile à saisir, échappe à tous ces raisonnemens et à plusieurs autres de même espèce, par un détour assez ingénieux. Il prétend que les harangues mêmes que je lui oppose, étaient plus courtes lorsqu’elles ont été prononcées. Je ne puis être de ce sentiment : je me fonde sur un bon nombre de harangues de divers orateurs ; par exemple, sur celles de Cicéron pour Murena, pour Varenus. L’orateur n’a presque fait qu’indiquer dans un sommaire concis les chefs d’accusation qu’il avait à traiter. De là on doit juger, qu’en parlant, il s’était étendu sur bien des choses qu’il a supprimées en écrivant[1]. Il dit lui-même que, selon l’ancien usage, qui, dans une cause, ne don-

  1. Qu’il a supprimées en écrivant. Pour l’intelligence de ce passage et de plusieurs autres, il faut se rappeler que les orateurs anciens n’écrivaient presque jamais leurs plaidoyers, qu’après les avoir prononcés. Cicéron le dit lui-même dans ses Tusculanes, iv, 25 : Jam rebus transactis et præteritis, orationes scribimus.