Page:Pline le Jeune Lettres I Panckoucke 1826.djvu/179

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

reste. J’envisageais dans la personne de Priscus, tantôt un consulaire, tantôt un septemvir[1], quelquefois un homme déchu de ces deux dignités. Il m’était bien pénible d’accuser un malheureux déjà condamné pour crime de péculat : si l’énormité du forfait parlait contre lui, la pitié, qui suit ordinairement une première condamnation, parlait en sa faveur. Néanmoins, je recueillis mes esprits et mes idées du mieux qu’il me fut possible, et je commençai mon discours : il fut écouté avec autant de faveur qu’il m’avait inspiré de crainte. Je parlai près de cinq heures (car on me donna presque une heure et demie, au delà des trois et demie[2] qui m’avaient été d’abord largement accordées) ; tant les parties mêmes de la cause qui m’avaient paru les plus épineuses et les plus défavorables, quand j’avais à les traiter, se présentèrent sous un jour heureux, quand je vins à les traiter ! Les bontés de l’empereur, ses soins pour moi, je n’oserais dire ses inquiétudes, allèrent si loin, qu’il me fit avertir plusieurs fois par un affranchi que j’avais derrière moi, de ménager mes forces ; il craignait que ma chaleur ne m’emportât plus loin que ne le permettait la faiblesse de ma complexion.

Claudius Marcellinus défendit Martianus. Le sénat se sépara, et remit l’assemblée au lendemain ; car il n’y avait pas assez de temps pour achever un nouveau plaidoyer avant la nuit. Le jour d’après, Salvius Liberalis parla pour Marius. Cet orateur a de la finesse, de l’art, de la véhémence, de la facilité : il sut dans cette occasion déployer tous ses avantages. Cornelius Tacite répondit avec beaucoup d’éloquence, et fit admirer cette élévation qui caractérise ses discours. Catius Fronton répliqua avec talent, et, s’accommodant à son sujet, il songea plus à fléchir les

  1. Un septemvir. La charge de septemvir epulonum remontait à Numa, qui l’avait créée pour la célébration des sacrifices. Il n’y eut d’abord que trois personnes chargées de cet emploi ; on finit par porter ce nombre à sept. Les septemvirs jouissaient d’une grande considération et portaient la prétexte.
  2. Une heure et demie, au delà, etc. Pour empêcher les orateurs de se répandre en longues discussions, une loi de Pompée, à l’exemple des Grecs, ne leur accordait qu’une heure pour parler : l’heure était indiquée par une clepsydre, ut ad clepsydram dicerent, id est vas vitreum graciliter fistulatum, in fundo cujus erat foramen, unde aqua guttatim efflueret, atque ita tempus metiretur. Cette espèce d’horloge d’eau était à peu près de la même forme que nos sabliers (Adam, Antiq. rom. ). On voit par la phrase de Pline, qu’il fallait à peu près trois clepsydres pour former une heure. Cependant, je dois remarquer qu’on n’est pas d’accord sur ce passage du texte de Pline ; les uns lisent decem clepsydris, les autres viginti clepsydris, ce qui laisse beaucoup d’incertitude sur la durée de la clepsydre. On peut voir (liv. iv, lett. 9) combien de temps on accordait à l’accusation et à la défense.