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Page:Pline le Jeune Lettres I Panckoucke 1826.djvu/187

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LETTRES DE PLINE. LIV. II.

semblées, où la plus choquante inégalité est dans l’égalité même[1] puisque ceux qui les composent ont tous la même autorité sans avoir les mêmes lumières.

Je me suis acquitté de ce que je vous avais promis par ma dernière lettre : si je calcule bien le temps, vous devez l’avoir reçue ; car je l’ai confiée à un courrier qui aura fait diligence, s’il n’a point rencontré d’obstacle sur son chemin. C’est à vous aujourd’hui à me payer de ma première et de ma seconde épître, par des lettres aussi longues et aussi remplies qu’on doit les écrire dans la retraite que vous habitez. Adieu.


XIII.
Pline à Priscus[2].

Vous saisissez avec empressement toutes les occasions de me rendre service, et il n’est personne à qui j’aime mieux avoir de telles obligations qu’à vous : ce double motif me détermine à vous demander une grâce, que je suis bien jaloux d’obtenir. Vous êtes à la tête d’une puissante armée : ce poste met à votre disposition nombre de places et de faveurs, et, depuis le temps que vous l’occupez, vous avez dû en combler tous vos amis. Daignez maintenant songer aux miens, je veux dire à quelques-uns des miens[3]. Vous aimeriez, je le sais, à les obliger tous ; ma discrétion se contentera de vous parler d’un seul, de deux tout au plus. Mais non, je ne vous parlerai que d’un seul ; c’est de Voconius Romanus.

Son père s’était distingué dans l’ordre des chevaliers, et son beau-père, ou plutôt son second père (car sa ten-

  1. La plus choquante inégalité, etc. La même idée se retrouve dans Montesquieu, Lett. Pers., 86 : « Dans ce tribunal, dit-il, on prend les voix à la majeure : mais on dit qu’on a reconnu, par expérience, qu’il vaudrait mieux les recueillir à la mineure : car il y a très-peu d’esprits justes, et tout le monde convient qu’il y en a une infinité de faux. »
  2. Priscus. On croit que ce Priscus était le même que Priscus Neratius Marcellus, favori de Trajan, et dont Pline obtint le tribunal pour Suétone.
  3. Je veux dire, etc. De Sacy n’avait pas saisi le sens de cette phrase, en traduisant : Honorez, je vous prie, les miens (mes amis) d’un regard favorable : ils ne sont pas en grand nombre. Pline ne dit pas qu’il a peu d’amis : avec ses talens, son caractère, et dans le rang qu’il occupait, il devait au contraire en avoir beaucoup : il est d’ailleurs facile d’en juger par ceux qu’il nomme dans ses lettres. Ne dit-il pas lui-même, liv. v, 3 : Hæc ita disputo, quasi populum in auditorium, non in cubiculum amicos advocarim, quos plures habere, multis gloriosum, reprehensioni nemini fuit. Ce qui confirme le sens nouveau que nous donnons au passage de Pline dont il est ici question, c’est qu’il ajoute : Malles tu quidem multos : sed verecundiæ meæ sufficit unus aut alter, aut potius unus. Ainsi ce n’est pas le petit nombre de ses amis, c’est sa discrétion, sa retenue qui l’empêche d’en recommander plus de deux.