LETTRES
Je ne crois pas avoir jamais passé le temps d’une manière plus agréable, que dernièrement chez Spurinna. II m’a tellement charmé, que, s’il m’est donné de vieillir, je ne sache personne à qui je voulusse davantage ressembler dans ma vieillesse. Rien n’est mieux entendu que son genre de vie ; et j’aime l’arrangement dans la vie des hommes, surtout dans celle des vieillards, comme j’aime le cours réglé des astres. S’il y a une sorte d’agitation et de désordre, qui ne sied pas mal aux jeunes gens, rien aussi ne convient mieux aux gens avancés en âge que l’ordre et la tranquillité : pour eux, l’ambition est honteuse et le travail hors de saison. Spurinna suit religieusement cette règle. Il renferme même, comme dans un cercle, les petits devoirs qu’il s’impose ; petits, si la régularité qui les rappelle chaque jour ne leur donnait du prix.
Le matin, il se recueille quelque temps dans son lit ; à la seconde heure, il s’habille, fait trois milles à pied[1].
- ↑ À la seconde heure, etc. De Sacy avait donné une tournure moderne et française à tous ces détails : À huit heures, il s’habille, fait une lieue à pied, etc.