Page:Pline le Jeune Lettres I Panckoucke 1826.djvu/227

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Pendant cette promenade, il n’exerce pas moins son esprit que son corps : s’il a ses amis près de lui, la conversation roule sur les matières les plus dignes d’intérêt ; s’il est seul, on lui lit quelque livre ; on lit même quelquefois lorsqu’il y a des amis, et qu’ils aiment la lecture. Ensuite, il se repose, et reprend un livre, ou une conversation qui vaut mieux qu’un livre. Bientôt après, il monte dans une voiture avec sa femme, personne d’un rare mérite, ou avec quelqu’un de ses amis, comme, par exemple, ces derniers jours, avec moi. Quels charmes ne trouve-t-on point à sa conversation, dans cette douce et honorable intimité ! Quelle connaissance de l’antiquité ! Que d’actions héroïques, que de grands hommes viennent, par sa bouche, vous donner de hautes leçons ! et cependant avec quel soin sa modestie n’évite-t-elle pas les airs dogmatiques, qui pourraient effaroucher ! Quand on a parcouru sept milles, il met pied à terre, et marche encore un mille. Après cela, il prend quelque repos, ou retourne travailler dans son cabinet ; car il fait très-bien des vers lyriques, en grec et en latin. Ses poésies ont une douceur, une grâce, une gaieté qui surprennent, et la vertu de l’auteur en rehausse le prix. Dès qu’un esclave annonce l’heure du bain (c’est ordinairement la neuvième en hiver, et la huitième en été[1]), il se déshabille et se promène au soleil, s’il ne fait point de vent. De là, il va jouer à la paume long-temps et avec ardeur ; car il oppose encore ce genre d’exercice à la pesanteur de la vieillesse. Après le bain, il se met au lit, diffère un peu le repas, et écoute une lecture légère et divertissante. Pendant ce temps, ses amis ont la liberté de s’occuper de la même manière, ou de toute autre, à leur choix. On sert avec autant d’élégance que de fruga-

  1. C’est ordinairement, etc. La première heure du jour, chez les Romains, répondait à peu près à nos six heures du matin ; mais les heures n’avaient pas une durée égale dans tous les temps de l’année. Comme elles servaient à partager le jour en douze parties, elles variaient suivant la longueur même du jour : elles étaient plus longues en été, plus courtes en hiver, et ne s’accordaient guère avec les nôtres qu’au temps de l’équinoxe. C’est sans doute en essayant de calculer cette variation que De Sacy traduit hora secunda, par huit heures, nona, par deux heures, et octava, par trois, quoique hora secunda réponde à sept heures du matin, nona, à trois heures, et octava, à deux heures après midi. ( Voyez la Dissert. d’Alde-Manuce sur les heures romaines. )