Page:Pline le Jeune Lettres I Panckoucke 1826.djvu/275

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je dois ajouter, changer, supprimer. Je sais bien que cette tâche est difficile, pour des esprits préoccupés de leur douleur ; je le sais : mais usez-en avec moi comme avec un sculpteur, avec un peintre, qui travaillerait à la statue, au portrait de votre fils. Vous l’avertiriez de ce qu’il doit s’attacher à rendre, de ce qu’il est indispensable de corriger. Ayez pour moi la même attention : soutenez, conduisez ma plume. Elle trace une image impérissable, dites-vous, et que le temps ne doit jamais effacer : plus cette image sera naturelle, ressemblante, parfaite, plus elle sera durable. Adieu.

XI. - Pline à Julius Genitor.

C’est le caractère de notre Artémidore d’exagérer toujours les services que lui rendent ses amis. Il est vrai qu’il a reçu de moi celui dont il vous a parlé ; mais il l’estime beaucoup plus qu’il ne vaut. Les philosophes avaient été chassés de Rome[1] : j’allai le trouver dans une maison qu’il avait aux portes de la ville : j’étais alors préteur, ce qui rendait ma visite plus remarquable et plus dangereuse. Il avait besoin d’une somme considérable, pour acquitter des dettes contractées par les plus honorables motifs : plusieurs de ses amis, riches et puissans, n’avaient pas l’air de sentir son embarras ; moi, j’empruntai la somme, et je lui en fis don. Et au moment où je lui rendais ce service, on venait d’envoyer à la mort ou en exil sept de mes amis : Senecion, Rusticus,

  1. Chassés de Rome. Les philosophes avaient été bannis de Rome et de l’Italie par un édit de Domitien. Le prétexte de ce châtiment était l’éloge de Thraséas et d’Helvidius, dont Junius Rusticus s’était rendu coupable et qu’il avait payé de sa vie. Cette apologie de deux hommes de bien fut regardée comme une conspiration, dont les savans et les philosophes passèrent pour complices.