Page:Pline le Jeune Lettres I Panckoucke 1826.djvu/299

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XIX. - Pline à Calvisius Rufus.

J’ai, selon ma coutume, recours à vous, comme au chef de mon conseil. Une terre voisine des miennes, et qui s’y trouve en quelque sorte enclavée, est à vendre. Plus d’une raison m’invite à l’acheter ; plus d’une raison m’en détourne. L’agrément d’unir cette terre à celle que je possède ; première amorce. Seconde tentation, le plaisir, et tout à la fois l’avantage de n’être obligé, pour les visiter toutes deux, ni à double voyage, ni à double dépense ; de les régir par un même intendant, et presque par les mêmes fermiers ; d’embellir l’une et de me contenter d’entretenir l’autre. Je compte encore que je m’épargne les frais d’un mobilier nouveau, des portiers, des jardiniers, d’autres esclaves de cette sorte, et des équipages de chasse. Il n’est pas indifférent d’avoir à faire ces dépenses en un seul lieu, ou en plusieurs.

D’un autre côté, je crains qu’il n’y ait quelque imprudence à exposer tant de biens aux mêmes accidens, aux influences du même climat. Il me paraît plus sûr de se précautionner contre les caprices de la fortune, par la différente situation de nos terres. Et même, n’est-il pas agréable de changer quelquefois de terrain et d’air, et le voyage d’une maison à l’autre n’a-t-il pas ses charmes[1] ? Mais venons au point capital. Le terroir est gras, fertile, arrosé : on y trouve des terres labourables, des vignes, et des bois dont la coupe est d’un revenu modique, mais certain. Cependant, l’indigence des cultivateurs a nui à la fécondité de la terre. Le dernier pro-

  1. Le voyage d’une maison à l’autre. C’est évidemment d’après la leçon peregrinatio intersita, et non d’après celle-ci, peregrinatio inter sua, que De Sacy a traduit. La première, approuvée par Schæfer, me parait fort supérieure à l’autre.