Page:Pline le Jeune Lettres I Panckoucke 1826.djvu/305

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veur avec autorité et en peu de mots ; ce témoignage était plus puissant que les prières. Quelquefois le candidat parlait sur la naissance, l’âge ou même les mœurs de son compétiteur. Le sénat écoutait avec une gravité austère ; et, de cette manière, le mérite l’emportait presque toujours sur le crédit.

Ces louables coutumes, corrompues par la brigue, nous ont forcés de chercher un remède dans les suffrages secrets ; et certainement il a eu son effet, parce qu’il était nouveau et imprévu. Mais je crains que, dans la suite, le remède même ne nous attire d’autres maux, et que le mystère du scrutin ne protège l’injustice. Combien se trouve-t-il de personnes sur qui la probité garde autant d’empire en secret qu’en public ? Bien des gens craignent le déshonneur, très-peu leur conscience. Mais je m’alarme trop tôt sur l’avenir : en attendant, grâce au scrutin, nous avons pour magistrats ceux qui étaient les plus dignes de l’être. Il en a été, dans cette élection, comme dans cette espèce de procès où la nomination des juges ne précède le jugement que du temps nécessaire pour entendre les parties[1] : nous avons été pris au dépourvu, et nous avons été justes.

Je vous ai mandé tous ces détails, d’abord pour vous apprendre quelque chose de nouveau ; en second lieu, pour m’entretenir avec vous des affaires de l’état : nous devons d’autant plus profiter des occasions qui s’offrent d’en parler, qu’elles sont beaucoup plus rares pour nous, qu’elles ne l’étaient pour les anciens. Franchement, je suis dégoûté de ces ennuyeuses phrases qui reviennent sans cesse : A quoi passez-vous le temps ? Vous portez-vous bien ? Donnons à notre correspondance un ton plus noble et plus élevé ; ne la renfermons pas dans le

  1. Où la nomination, etc. On nommait des commissions pour juger certaines sortes d’affaires. (Voyez Cic. , Verr. iii , 59. , et TItE-Live, xxvi, 48)