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Page:Pline le Jeune Lettres I Panckoucke 1826.djvu/315

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LETTRES DE PLINE LIV. IV.

avait de petits chevaux de main, et plusieurs attelages, des chiens de toute taille, des rossignols, des perroquets et des merles : Regulus a tout fait égorger sur le bûcher ; et ce n’était pas douleur, c’était comédie. On court chez lui de tous les endroits de la ville : tout le monde le hait, tout le monde le déteste ; et chacun s’empresse de lui rendre visite, comme s’il était l’admiration et les délices du genre humain ; et, pour vous dire en un mot tout ce que je pense, chacun en s’empressant de faire la cour à Regulus, suit son exemple. Il s’est retiré dans ses jardins au delà du Tibre, où il a rempli d’immenses portiques une vaste étendue de terrain, et couvert le rivage de ses statues : car personne ne sait mieux associer la magnificence à l’avarice, la vanité à l’infamie. Il incommode toute la ville, qu’il force à l’aller trouver si loin, dans une saison si contraire ; et, dans la peine qu’il cause, il trouve une consolation. Il dit qu’il veut se marier : nouvelle absurdité à joindre à tant d’autres[1]. Préparez-vous à apprendre au premier jour les noces d’un homme en deuil, les noces d’un vieillard, quoique ce soit se marier à la fois et trop tôt et trop tard. Demandez-vous pourquoi j’ajoute foi à cette folie ? ce n’est point parce qu’il assure la chose très-affirmativement, car personne ne sait mieux mentir ; mais c’est parce qu’il est infaillible que Regulus fera toujours ce que l’on ne doit pas faire. Adieu.


  1. Nouvelle absurdité, etc. Perverse n’a pas ici le sens que lui a donné De Sacy en traduisant, il le dit artificieusement.