Page:Pline le Jeune Lettres I Panckoucke 1826.djvu/331

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toute la considération que lui donnaient sa naissance et ses malheurs ; de dévoiler la conspiration des délateurs, qui vivaient de cet indigne métier[1] ; enfin, de mettre au jour les motifs qui le rendaient l’objet de la haine des factieux, et particulièrement de Théophanes. Bassus m’avait aussi recommandé de réfuter le chef d’accusation qui l’effrayait le plus : car sur les autres points, quoiqu’ils fussent plus graves en apparence, au lieu de châtiment, il méritait des éloges. Ce qu’il y avait donc de plus fort contre lui, c’était qu’avec sa simplicité, ennemie de toute précaution, il avait reçu des gens de la province quelques cadeaux, à titre d’ami[2] : car il avait déjà exercé la questure dans ce pays. Voilà ce que ses accusateurs appelaient des vols et des rapines : lui, il n’y voyait que des présens ; mais les présens mêmes sont interdits par la loi. Que pouvais -je faire dans cet embarras ? Quel système de défense adopter ? Nier le fait ? c’était reconnaître tacitement pour vol ce que l’on n’osait avouer ; et puis, contester ce qui se trouvait manifestement prouvé, c’était agraver le crime, loin de le détruire. D’ailleurs, Bassus n’en avait pas laissé la liberté aux avocats : il avait dit à plusieurs personnes, et même au prince, qu’il avait reçu et envoyé quelques bagatelles, le jour de sa naissance seulement et aux Saturnales. Devais-je donc recourir à la clémence ? J’enfonçais le poignard dans le sein de l’accusé : on est criminel dès que l’on a besoin de grâce. Fallait-il soutenir que son action était innocente ? Sans le justifier, je me déshonorais. Je crus qu’il était nécessaire de chercher un milieu ; et je m’imagine l’avoir trouvé.

La nuit, qui met fin aux combats, finit aussi mon

  1. Qui vivaient de cet indigne métier. Les délateurs recevaient à titre de salaire la quatrième partie des biens de ceux qu’ils accusaient : de là, leur nom de quadruplatores.
  2. D’ami. Le texte, joint à la traduction de De Sacy, portait ut amicus.