Page:Pline le Jeune Lettres I Panckoucke 1826.djvu/333

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discours. J’avais parlé pendant trois heures et demie : il me restait encore une heure et demie à remplir. Car, suivant la loi, l’accusateur avait six heures, et l’accusé neuf. Bassus avait partagé le temps entre moi et l’orateur qui devait me succéder : il m’avait donné cinq heures, et le reste à l’autre défenseur. Le succès de mon discours m’invitait au silence : car il y a de la témérité à ne se pas contenter de ce qui nous a réussi. J’avais encore à craindre, que, si je recommençais le jour suivant, les forces ne me manquassent : il est plus difficile de se remettre au travail, que de le continuer pendant que l’on est en haleine. Je courais même un autre risque : l’interruption pouvait rendre, ou languissant ce qui me restait à dire, ou ennuyeux ce qu’il fallait répéter. Un flambeau continuellement agité, conserve toute la vivacité de sa flamme ; et, une fois éteint, il se rallume difficilement : il en est de même de la chaleur de l’avocat et de l’attention des juges ; elles se soutiennent par la continuité de l’action ; elles languissent par l’interruption et le repos. Cependant Bassus me pressait avec instance, et presque les larmes aux yeux, d’employer en sa faveur ce qui me restait de temps. J’obéis ; et je préférai son intérêt au mien. Je fus agréablement trompé : je trouvai dans les esprits une attention si neuve et si vive, qu’ils paraissaient bien plutôt excités, que rassasiés par le discours précédent.

Lucius Albinus prit la parole après moi, et avec tant d’adresse, que nos plaidoyers offraient la variété de deux morceaux différens, et semblaient n’en former qu’un par leur liaison. Herennius Pollio répliqua avec une énergie pressante ; et, après lui, Théophanes prit la parole pour la seconde fois : car son impudence se montra