Page:Pline le Jeune Lettres I Panckoucke 1826.djvu/371

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

sais que sa fille a trouvé en vous, non-seulement l’affection d’une tante, mais toute la tendresse du père qu’elle avait perdu. Vous apprendrez donc avec une extrême joie, qu’elle est toujours digne de son père, digne de son aïeul, digne de vous. Elle a beaucoup d’esprit, beaucoup de retenue : elle m’aime, et c’est un gage de sa vertu. Elle a du goût pour les lettres, et ce goût lui a été inspiré par l’envie de me plaire. Elle a continuellement mes ouvrages entre les mains ; elle ne cesse de les lire ; elle les apprend par cœur. Vous ne pouvez vous imaginer son inquiétude avant que je plaide, sa joie après que j’ai plaidé. Elle charge toujours quelqu’un de venir lui apprendre quels applaudissemens j’ai reçus, quel succès a eu la cause. S’il m’arrive de lire un ouvrage en public, elle sait se ménager une place[1], où, derrière un rideau, elle écoute avidement les louanges que l’on me donne. Instruite par l’amour seul, le plus habile de tous les maîtres, elle chante mes vers, en s’accompagnant avec sa lyre. J’ai donc raison de me promettre que le temps ne fera que cimenter de plus en plus notre union. Car elle aime en moi, non la jeunesse et la figure, dont chaque jour voit diminuer l’éclat, mais la gloire, qui ne périt jamais.

Eh ! que pouvais-je attendre autre chose d’une personne élevée sous vos yeux, formée par vos leçons, qui n’a rien vu près de vous que des exemples de vertu et d’honneur, et qui, enfin, apprit à m’aimer en m’entendant louer de votre bouche ? Vos sentimens pour ma mère, que vous respectez comme la vôtre, et la part que vous preniez à mon éducation, vous ont accoutumée à me vanter dès ma plus tendre enfance : ce que vous vous plaisiez dès lors à prédire que je serais un jour, il semble à ma femme

  1. Se ménager une place. J’ai trouvé in proximum dans le texte joint à l’édition de De Sacy : j’ai rétabli in proximo d’après l’édition de Schæfer : c’est une leçon réclamée par l’exactitude grammaticale.