Page:Pline le Jeune Lettres I Panckoucke 1826.djvu/405

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

vers sotadiques[1] : enfin, il m’arrive quelquefois de rire, de plaisanter, de badiner ; et, pour exprimer en un mot tous les plaisirs innocens auxquels je me livre, je suis homme.

Ceux qui ne savent pas que les personnages les plus savans, les plus sages, les plus irréprochables ont composé de ces bagatelles, me font honneur, quand ils sont surpris de m’y voir donner quelques heures ; mais j’ose me flatter que ceux qui connaissent mes garans et mes guides, me pardonneront aisément, si je m’égare sur leurs pas : ce sont des hommes illustres, qu’il n’est pas moins glorieux d’imiter dans leurs amusemens que dans leurs occupations. Je ne veux nommer personne entre les vivans, pour ne pas me rendre suspect de flatterie : mais dois-je rougir de faire ce qu’ont fait Cicéron, Calvus, Asinius, Messala, Hortensius, Brutus, Sylla, Catulus, Scévola, Sulpicius, Varron, Torquatus, ou plutôt les Torquatus, Memmius, Lentulus, Getulicus, Sénèque, et, de nos jours encore, Virginius Rufus[2] ? Les exemples des particuliers ne suffisent-ils pas, je citerai Jules-César, Auguste, Nerva, Titus. Je ne parle point de Néron ; et cependant, un goût ne cesse pas d’être légitime, pour être quelquefois celui des hommes méchans, tandis qu’une chose reste honorable, par cela seul que les gens de bien en ont souvent donné l’exemple. Entre ceux-ci, on doit compter Virgile, Cornelius Nepos, et avant eux Ennius et Accius. Il est vrai qu’ils n’étaient pas sénateurs : mais la vertu n’admet ni distinction ni rang.

  1. Vers sotadiques. De Sacy n’avait parlé ni des mimes ni des vers sotadiques : au lieu de ce dernier mol, il avait mis satiriques, ce qui est loin d’avoir le même sens. Les vers sotadiques devaient leur origine à Sotades, poète licencieux, que Martial lui-même a flétri du nom de cinœdus (v. II, epigr. 86). Quintilien avait dit que ce genre de poésie était tellement obscène, qu’il ne convenait pas même d’en tracer les règles ( 1, 8, 6 ). On voit, par l’épître de Pline, que le disciple avait un peu oublié les sévères leçons de son maître.
  2. Cicéron, Calvus, etc. Quelques commentateurs ont remarqué « que la liste des poètes donnée ici par Pline n’était pas un argument sans réplique : on aurait pu lui répondre que, parmi les personnages qu’il citait, les uns eussent beaucoup mieux fait de ne pas composer de vers, et que les autres, par le déréglement de leurs mœurs, fortifiaient toutes les préventions qu’on pouvait concevoir contre la poésie. Pour ne citer que deux exemples, les vers d’Hortensius passaient pour fort mauvais, et Memmius s’était souillé d’adultère avec la femme de Lentulus et celle de Pompée. »