Page:Pline le Jeune Lettres I Panckoucke 1826.djvu/451

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cause des Vicentins avec le même courage qu’il s’en était chargé ; mais il prétendit que puisqu’il n’était entré aucun artifice coupable dans la faute de Nominatus, que d’ailleurs il n’était convaincu d’aucune action punissable, il devait être renvoyé absous, sans autre condition que de rendre aux Vicentins ce qu’il en avait reçu.

Tout le monde fut de cette opinion, excepté Flavius Aper : son opinion fut de suspendre Nominatus, pendant cinq ans, des fonctions d’avocat ; et, quoique son autorité n’eût pu entraîner personne, il demeura inébranlable dans son sentiment ; il alla même, en invoquant un réglement du sénat[1], jusqu’à faire jurer à Afranius Dexter ( le premier qui avait opiné pour l’absolution ), qu’il croyait cet avis salutaire à la république. Plusieurs se récrièrent contre cette proposition, toute juste qu’elle était, parce qu’elle semblait taxer de corruption celui qui avait opiné. Mais avant que l’on recueillît les voix, Nigrinus, tribun du peuple, lut une remontrance pleine d’éloquence et de force, où il se plaignait que les avocats vendissent leur ministère ; qu’ils vendissent même leur prévarication ; que l’on trafiquât des causes ; et qu’à la noble récompense de la gloire, on substituât le revenu assuré que l’on tirait de la riche dépouille des citoyens. Il cita sommairement les lois faites sur ce sujet ; il rappela les décrets du sénat[2], et il conclut que, puisque les lois et les décrets méprisés ne pouvaient arrêter le mal, il fallait supplier l’empereur de vouloir bien y remédier lui-même. Peu de jours après, le prince a fait publier un édit sévère et modéré tout ensemble. Vous le lirez : il est dans les archives publiques.

  1. En invoquant, etc. On n’opinait quelquefois au sénat qu’après avoir prêté serment ; Juste-Lipse apporte plusieurs preuves de cet usage, dans son Commentaire sur le livre iv, 21, des Ann. de Tacite. De Sacy n’a nullement compris la phrase de Pline ; il traduit : Il alla même en vertu du pouvoir que la loi en donne a celui qui peut convoquer le sénat, etc. De senatu habendo signifie sur la manière de tenir le sénat, et non pas d’après le pouvoir de convoquer le sénat.
  2. Il rappela les décrets du sénat. La leçon des dernières éditions est senatusconsultorum, et non senatusconsulti.