Page:Pline le Jeune Lettres I Panckoucke 1826.djvu/73

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

d’une vertu parfaite, alors exilé par Domitien. Regulus profita de cette circonstance pour me dire : Pline, que pensez-vous de Modestus ? Vous voyez quel péril je courais, si j’eusse rendu un fidèle témoignage à la vérité ; et de quel opprobre je me couvrais, si je l’eusse trahie. Les dieux seuls purent m’inspirer en cette occasion[1]. Je vous répondrai, lui dis-je, si c’est là la question que les centumvirs ont a juger. Il ne se rendit point. Je vous demande, poursuivit-il, quel jugement vous portez sur Metius Modestus ? Je lui répliquai que l’ on ne demandait témoignage que contre des accusés, et jamais contre un homme condamné. — Eh bien, continua-t-il, je ne vous demande plus ce que vous pensez de Modestus ; mais quelle opinion avez-vous de son attachement pour le prince ? — Vous voulez, dis-je, savoir ce que j’en pense ; mais moi, je crois qu’il n’est pas même permis de mettre en question ce qui est une fois jugé. Regulus garda le silence. Vous ne pouvez vous imaginer quels éloges et quels applaudissemens suivirent cette réponse, qui, sans blesser ma réputation par une flatterie, utile peut-être à mes intérêts, mais honteuse pour moi, me tira d’un piège si artificieusement tendu.

Aujourd’hui Regulus, troublé par les justes reproches de sa conscience, s’adresse à Cecilius Celer, et ensuite à Fabius Justus ; il les presse de vouloir bien faire sa paix avec moi. Il ne s’en tient pas là. Il court chez Spurinna ; et, comme il est le plus rampant de tous les hommes lorsqu’il craint, il le supplie, avec les dernières bassesses, de me venir voir le lendemain matin, mais de grand matin : Je ne puis plus vivre, dit-il, dans l’inquiétude où je suis ; obtenez de lui, à quelque prix que ce soit, qu’il étouffe son ressentiment. J’étais à peine éveillé, qu’un valet me vint

  1. Les dieux seuls purent m’inspirer, etc. Le traducteur avait rendu avec une inexactitude qui approchait du contresens : Je ne puis dire autre chose, sinon que les dieux m’inspirèrent dans cette occasion.