Page:Pline le Jeune Lettres I Panckoucke 1826.djvu/93

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X. - Pline à Atrius Clemens.

Si jamais les belles-lettres ont été florissantes à Rome, cest assurément aujourd’hui. Je pourrais vous en citer bien des exemples : vous en serez quitte pour un seul ; je ne vous parlerai que du philosophe Euphrate. Je commençai à le connaître en Syrie, dans ma jeunesse et dans mes premières campagnes[1]. J’étais admis chez lui, et j’en profitai pour l’étudier à fond. J’employai tous mes efforts pour me faire aimer de lui ; et l’effort n’était pas nécessaire. Il est accessible, prévenant, et soutient bien par sa conduite les leçons d’affabilité qu’il donne. Que je serais content, si j’avais pu remplir l’espérance qu’il avait conçue de moi, comme il a surpassé celle qu’on avait déjà de lui ! Peut-être qu’aujourd’hui je n’admire davantage ses vertus, que parce que je les connais mieux ; et cependant, à vrai dire, je ne les connais pas encore assez. Il n’appartient qu’à un artiste de bien juger d’un peintre, d’un sculpteur, d’un statuaire ; il faut, de même, posséder la sagesse pour sentir tout le mérite d’un sage. Mais, autant que je puis m’y connaître, tant de rares qualités brillent dans Euphrate, qu’elles frappent les moins clair-voyans. Il a tout à la fois de la finesse, de la solidité et de la grâce dans la discussion ; souvent même il atteint au sublime, et reproduit la majesté du style de Platon. Il règne dans ses discours une abondance, une variété qui enchantent, et surtout une douceur qui entraîne les plus rebelles. Son extérieur ne dément point le reste : il est de belle taille ; il a le visage agréable, les cheveux longs, et

  1. Dans ma jeunesse, etc. Pline avait à peu près vingt ans : il était tribun de la troisième légion gauloise, que Vespasien avait envoyée en Syrie.