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CXXX
SOMMAIRES.

(II-III) L’essence est la forme et la raison. La qualité est une disposition soit originelle, soit adventice dans l’essence. La qualité intelligible diffère de la qualité sensible en ce que la première est la propriété qui différencie une essence d’une autre essence, et que la seconde consiste dans une simple modification, un accident, une habitude, une disposition, qui ne fait point partie de l’essence d’un être.


LIVRE VII.
DE LA MIXTION OÙ IL Y A PÉNÉTRATION TOTALE[1].

Ce livre se rattache au précédent parce qu’il y est traité des qualités qui constituent l’essence corporelle.

(§ I) La mixtion, qu’il ne faut pas confondre avec la juxtaposition, a pour caractère de former un tout homogène. Il y a à ce sujet deux opinions : selon les Péripatéticiens, dans la mixtion de deux corps, les qualités seules se mêlent et les étendues matérielles ne sont que juxtaposées ; selon les Stoïciens, deux corps qui constituent un mixte se pénètrent totalement[2].

(II) On peut objecter aux Stoïciens que, si les qualités s’altèrent et se confondent dans la mixtion, il ne saurait en être de même des étendues corporelles ; aux Péripatéticiens, que des qualités incorporelles peuvent pénétrer un corps sans le diviser, et que la matière ne possède pas plus, en vertu de sa nature propre, l’impénétrabilité que toute autre qualité.

(III) Si l’on examine l’essence du corps, on voit qu’il est le composé de toutes les qualités réunies avec la matière. Cet ensemble de qualités constitue la corporéité, qui est une forme, une raison.

  1. Pour les Remarques générales et les Éclaircissements sur ce livre, Voy. les Notes, p. 488.
  2. Voici comment M. Ravaisson explique la doctrine des Stoïciens sur la pénétration totale : « Il y a dans tout être, suivant les Stoïciens, deux principes, l’un passif, la matière, qui forme la substance, l’autre actif, la cause ou qualité, qui fait de la matière telle ou telle chose déterminée... Comme la qualité constitutive ne peut faire défaut à aucune des parties de la matière en laquelle elle réside, elle est physiquement et corporellement coétendue à la matière ; elle l’embrasse en tous ses contours, elle la parcourt et la pénètre dans toute sa profondeur ; elle occupe, elle remplit avec elle l’espace. Ainsi se trouve renversé le principe que deux corps ne peuvent en même temps occuper le même lieu. Par l’hypothèse de la pénétration absolue, les Stoïciens attribuent à un corps, pour lui faire jouer un rôle qui appartient à la cause incorporelle, une propriété qu’exclut l’idée même du corps. » (Sur le Stoïcisme, Mém. de l’Acad. des Inscriptions et Belles-Lettres, t. XXI, p. 15-17.)