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VIE DE PLOTIN
ET
ORDRE DE SES LIVRES
PAR PORPHYRE[1]

I. Le philosophe Plotin, qui a vécu de nos jours, paraissait honteux d’avoir un corps[2]. Aussi ne parlait-il jamais de sa famille ni de sa patrie[3], et il ne voulut pas souffrir qu’on fît ni son portrait, ni son buste. Un jour qu’Amélius[4] le priait de se laisser peindre : « N’est-ce pas assez, lui dit-il, de porter cette image[5] dans laquelle la nature nous a renfermés ? Faut-il encore transmettre à la postérité l’image de cette image comme un objet qui vaille la peine d’être regardé ? » Ne pouvant obtenir de lui qu’il revînt sur son refus et qu’il consentît à poser, Amélius pria son ami Carterius, le plus fameux peintre de ce temps-là, d’aller au cours de Plotin (car y allait qui voulait) ; à force de le regarder, Carterius se remplit tellement l’imagination de sa figure qu’il le peignit de mémoire. Amélius le dirigeait dans ce travail par ses conseils, en sorte que le portrait

  1. Nous avons refondu la traduction de Lévesque de Burigny et éclairci par des notes les passages qui présentent quelque obscurité. Pour les Remarques générales, Voy. la Note sur cette vie à la fin du volume.
  2. Selon Eunape, Porphyre éprouvait le même mépris pour son corps : τὸ σῶμα ϰαὶ ἄνθρωπος εἴναι ἐμίσησε.
  3. La patrie de Plotin était Lycopolis (aujourd’hui Syout), ville de Thébaïde, en Égypte, comme nous l’apprennent Eunape et Suidas. Voy. leurs notices sur Plotin à la fin du volume.
  4. Voy. § 7.
  5. Plotin appelle ici le corps une image parce que, selon la doctrine néo-platonicienne, il est l’image de l’âme qui le produit. Voy. Enn. VI, liv. vii, § 5.