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Page:Plotin - Ennéades, t. I.djvu/160

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PAR PORPHYRE.

XVIII. J’ai rapporté cette lettre pour faire voir non-seulement que quelques-uns, du temps même de Plotin, prétendaient que ce philosophe se faisait honneur de la doctrine de Numénius, mais aussi qu’on le traitait de diseur de bagatelles, en un mot qu’on le méprisait, parce qu’on ne l’entendait pas. C’était un homme bien éloigné d’avoir le faste et la vanité des Sophistes. Il semblait converser avec ses disciples lorsqu’il faisait ses conférences. Il ne se pressait pas de vous convaincre par une discussion en règle. Je l’éprouvai bien dans le commencement que j’assistais à ses leçons. Je voulus l’engager à s’expliquer davantage en écrivant un ouvrage contre lui, pour prouver que les intelligibles subsistent hors de l’Intelligence[1]. Plotin se le fit lire par Amélius ; et après que celui-ci lui en eut fait la lecture, il lui dit en riant : « C’est à vous à résoudre ces difficultés, que Porphyre n’a faites que parce qu’il n’entend pas bien ma doctrine. » Amélius fit un assez gros livre pour répondre à mes objections. Je répliquai. Amélius écrivit de nouveau. Ce troisième travail me fit enfin comprendre, mais non sans peine, la pensée de Plotin, et je changeai de sentiment. Je lus ma rétractation dans une assemblée. Depuis ce temps, j’ai eu une confiance entière dans tous les dogmes de Plotin. Je le priai de donner la dernière perfection à ses écrits et d’expliquer un peu plus au long sa doctrine. Je disposai aussi Amélius à faire quelques ouvrages.

XIX. On verra quelle idée Longin avait de Plotin, par une partie d’une lettre qu’il m’adressa. J’étais en Sicile ; il souhaitait que j’allasse le trouver en Phénicie, et que je lui portasse les ouvrages de ce philosophe. Voici ce qu’il m’écrivit à cet effet :

« Envoyez-moi ces ouvrages, je vous prie, ou plutôt apportez-les avec vous ; car je ne me lasserai point de vous prier de voyager dans ce pays plutôt que dans tout autre, quand ce ne serait qu’à cause de notre ancienne amitié et de la douceur de l’air, qui convient si bien à votre santé délabrée[2] (car n’espérez

  1. Il y attaquait le livre v de l’Ennéade V, intitulé : Les intelligibles ne sont pas hors de l’Intelligence.
  2. Voy. plus haut, § 11.