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PAR PORPHYRE.

besoin d’invoquer ici les témoignages des sages, qui peut être plus sage qu’Apollon, qu’un Dieu qui a dit de lui-même avec vérité :

« Je sais le nombre des grains de sable et l’étendue de la mer ; je comprends le muet, j’entends celui qui ne parle pas. »

Amélius consulta ce Dieu pour savoir ce qu’était devenue l’âme de Plotin, et voici en quels termes répondit celui qui avait prononcé que Socrate était le plus sage de tous les hommes : « Je veux chanter un hymne immortel pour un ami qui m’est cher ; je veux tirer de ma lyre des sons mélodieux en la frappant de mon archet d’or. J’appelle les Muses afin qu’unissant leurs voix elles forment par leurs accents variés un harmonieux concert, comme autrefois elles formèrent en l’honneur d’Achille un chœur où leurs divins transports s’allièrent aux chants homériques. Sacré chœur des Muses, célébrons d’un commun accord l’homme qui est le sujet de ce chant ; Apollon à la longue chevelure est au milieu de vous.

Démon qui étais homme, et qui maintenant es dans l’ordre divin des démons, délivré des liens de la nécessité qui enchaîne l’homme et du tumulte que causent les passions du corps[1] ; soutenu par la vigueur de ton esprit, tu te hâtes d’aborder à un rivage qui n’est point submergé par les ondes[2], loin de la foule

    le rocher, comme les vierges et les jeunes hommes dans leurs entretiens secrets. » Ces trois vers d’Homère sont le meilleur commentaire du vers d’Hésiode auquel certains interprètes ont prêté un sens inadmissible.

  1. Pour comprendre le sens de cette phrase, il faut la rapprocher du vers 33 : « Maintenant que tu t’es dépouillé de ton enveloppe mortelle. » L’auteur de l’oracle veut dire que l’âme, par son union avec le corps, est soumise au destin, à la nécessité et ne devient libre qu’en quittant la terre.
  2. L’auteur compare ici Plotin à Ulysse, que les Néoplatoniciens appelaient le philosophe. De même que ce héros, par la protection de Leucothée et de Minerve, échappe aux flots soulevés par la tempête et aborde à l’île des Phéaciens ; de même Plotin échappe aux vagues amères de cette vie et aborde