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Page:Plotin - Ennéades, t. I.djvu/169

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VIE DE PLOTIN

éclatants » : aussi a-t-on pu dire avec vérité que c’est en contemplant les dieux et en jouissant de leur vue que Plotin a composé ses ouvrages. Grâce à cette intuition que tes regards vigilants[1] avaient de l’intérieur aussi bien que de l’extérieur, « tu as contemplé (comme le dit l’oracle) bien des beautés que ne pourrait contempler facilement aucun de ceux qui se livrent à l’étude de la philosophie. » En effet, la contemplation des hommes peut être supérieure à la contemplation humaine ; mais, comparée à la connaissance divine, si elle a quelque valeur, elle ne saurait cependant pénétrer les profondeurs dans lesquelles plongent les regards des dieux.

Jusqu’ici l’oracle s’est borné à indiquer ce que Plotin fit et à quoi il parvint pendant qu’il était enveloppé d’un corps. Il ajoute ensuite : « Il est arrivé à l’assemblée des démons où règnent l’amitié, le désir agréable, la joie, l’amour unis à Dieu, où les fils du Dieu, Minos, Rhadamanthe, Éaque sont établis juges des âmes. » Plotin s’est rendu auprès d’eux, non pour être jugé, mais pour jouir de leur intimité, comme en jouissent les dieux excellents. C’est là que sont en effet « Platon, Pythagore et les autres sages qui ont formé le chœur de l’amour immortel. » C’est là encore que les démons bienheureux ont leur famille et passent leur vie « dans des fêtes et des joies continuelles, » jouissant de la béatitude perpétuelle que leur accorde la bonté divine.

XXIV. Voilà ce que nous avions à raconter de la vie de Plotin. Il m’avait chargé d’arranger et de revoir ses ouvrages. Je lui promis à lui ainsi qu’à ses amis d’y travailler. Je ne jugeai pas à propos de les ranger confusément suivant l’ordre du temps où ils avaient été publiés ; j’ai imité Apollodore d’Athènes et Andronicus le Péripatéticien[2] : le premier a recueilli en dix volumes ce qu’a fait Épicharme le comique, et l’autre a divisé en traités les ouvrages d’Aristote et de Théophraste, réunissant ensemble les écrits qui se rapportaient au même sujet. De même, j’ai partagé les cinquante-quatre livres de Plotin en six Ennéades (neuvaines) en l’honneur des nombres parfaits six et

  1. Voy. le vers 28 : « Un doux sommeil ne fermait pas tes paupières. »
  2. Voy. M. Ravaisson, Essai sur la Métaph. d’Aristote, t. II, p. 293.