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Page:Plotin - Ennéades, t. I.djvu/197

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PREMIÈRE ENNÉADE.

du corps (ce qui est le courage), lorsqu’enfin la raison et l’intelligence commandent et sont obéies (ce qui est la justice).

On peut, sans crainte de se tromper, affirmer que la disposition d’une âme ainsi réglée, d’une âme qui pense les choses intelligibles et qui reste impassible, est ce qui constitue la ressemblance avec Dieu : car ce qui est pur est divin, et telle est la nature de l’action divine que ce qui l’imite possède par cela même la sagesse. Mais Dieu a-t-il une pareille disposition ? Non : c’est à l’âme seule qu’il appartient d’avoir une disposition. D’ailleurs l’âme ne pense pas les objets intelligibles de la même manière que Dieu : ce qui est en Dieu ne se trouve en nous que d’une manière toute différente ou même ne s’y trouve pas du tout. Ainsi la pensée de Dieu n’est pas identique avec la nôtre. La pensée de Dieu est un premier principe dont la nôtre dérive et diffère. Comme la parole extérieure n’est que l’image de la parole intérieure de l’âme, la parole de l’âme n’est elle-même que l’image de la parole d’un principe supérieur ; et comme la parole extérieure paraît divisée quand on la compare à la parole intérieure de l’âme, celle de l’âme, qui n’est que l’interprète de la parole intelligible, est divisée par rapport à celle-ci. C’est ainsi que la vertu appartient à l’âme sans appartenir ni à l’Intelligence absolue, ni au principe supérieur à l’Intelligence.

IV. La purification (κάθαρσις) est-elle la même chose que la vertu telle que nous venons de la définir ? Ou bien la vertu est-elle la conséquence de la purification ? Dans ce cas, consiste-t-elle à se purifier actuellement ou à être déjà purifié ? voilà ce que nous avons à examiner.

Se purifier est inférieur à être déjà purifié : car la pureté est le but que l’âme a besoin d’atteindre. Être pur, c’est s’être séparé de toute chose étrangère ; ce n’est pas encore posséder le bien. Si l’âme eût possédé le bien avant de perdre sa pureté, il lui suffirait de se purifier ; dans ce cas