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Page:Plotin - Ennéades, t. I.djvu/268

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LIVRE HUITIÈME.

raît évident quand il s’agit d’essences particulières et ce que démontre l’induction ; mais on ne l’a pas prouvé pour l’essence universelle. Quel sera donc le contraire de l’essence universelle et des premiers principes en général ? Le contraire de l’essence, c’est le non-être ; le contraire de la nature du Bien, c’est la nature et le principe du Mal. En effet ces deux natures sont l’une, le principe des maux, et l’autre, le principe des biens. Tous leurs éléments sont opposés entre eux, en sorte que ces deux natures, considérées dans leur ensemble, sont encore plus opposées que les autres contraires. Ces derniers en effet appartiennent à la même forme, au même genre, et, quels que soient les sujets où ils se trouvent, ils ont entre eux quelque chose de commun. Quant aux contraires qui sont séparés par nature, qui ont chacun leur essence constituée par des éléments opposés aux éléments constitutifs de l’essence de l’autre, ils sont absolument opposés entre eux, puisqu’on appelle opposées les choses qui sont aussi éloignées que possible. Or à la mesure, à la détermination, et aux autres caractères de la nature divine[1] sont opposés le défaut de mesure, l’indétermination, et les autres contraires qui constituent la nature du Mal. Chaque tout est donc le contraire de l’autre. L’être de l’un est ce qui est essentiellement et absolument faux ; celui de l’autre est l’être véritable ; la fausseté de l’un est donc le contraire de la vérité de l’autre. De même, ce qui appartient à l’essence de l’un est le contraire de ce qui appartient à l’essence de l’autre. Nous voyons aussi qu’il n’est pas toujours vrai de dire que l’essence n’a pas de contraire : car nous reconnaissons que l’eau et le feu sont contraires, lors même qu’ils n’auraient pas une commune matière dont le chaud et le froid, l’humide et le sec sont des accidents. S’ils existaient seuls par eux-mêmes, si leur essence était complète sans avoir un sujet commun,

  1. Voy. Platon, Philèbe, p. 23.