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Page:Plotin - Ennéades, t. I.djvu/275

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PREMIÈRE ENNÉADE.

sidère le mal, la privation constituera en elle le vice, la méchanceté, et pour en rendre raison il ne sera nul besoin de recourir à rien d’extérieur. — On nous objecte ailleurs[1] que la matière n’existe pas ; on veut nous prouver ici que, si elle existe, elle n’est pas mauvaise. [S’il en est ainsi], il ne faut pas chercher hors de l’âme l’origine du mal ; il faut la placer dans l’âme même : le mal y consiste dans l’absence du bien. Mais si l’on admet que la privation de la forme soit un accident de l’être qui désire recevoir la forme, que par conséquent la privation du bien soit un accident de l’âme, qu’enfin celle-ci produise en elle-même la méchanceté par sa raison [séminale], il en résulte qu’elle ne doit avoir rien de bien. Il en résulte encore qu’elle n’aura pas de vie, qu’elle sera une âme inanimée ; ce qui conduit à cette contradiction : l’âme n’est pas âme.

On se trouve ainsi forcé d’admettre que l’âme possède la vie en vertu de sa raison [séminale], de sorte qu’elle n’a pas par elle-même la privation du bien. Mais alors elle tient de l’intelligence une trace de bien, elle a la forme du bien ; elle n’est donc pas le Mal par elle-même ; ainsi elle n’est pas le premier Mal, et elle ne le renferme pas non plus comme accident, puisqu’elle n’est pas absolument privée du bien.

XII. Dira-t-on que dans l’âme la méchanceté et le mal ne sont pas une privation absolue, mais une privation relative du bien ? Dans ce cas, s’il y a dans l’âme tout à la fois possession et privation du bien, elle aura un sentiment mêlé de bien et de mal, et non le Mal sans mélange, et nous n’aurons pas encore trouvé le premier Mal, le Mal absolu. Le bien de l’âme sera dans son essence ; le mal n’en sera qu’un accident.

XIII. Dira-t-on que le mal ne doit son caractère qu’à ce qu’il est un obstacle pour l’âme, comme certains objets

  1. Voy. § 15 de ce même livre.