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DEUXIÈME ENNÉADE.

soit parce qu’elles l’embellissent, soit parce qu’elles y servent de signes. Or, elles servent de signes pour toutes les choses qui arrivent dans le monde sensible. Quant aux choses qu’elles peuvent faire, il ne faut leur attribuer que celles qu’elles font manifestement.

Pour nous, nous accomplissons les fonctions de l’âme conformément à la nature tant que nous ne nous égarons pas dans la multiplicité que renferme l’univers. Quand nous nous y égarons, nous en sommes punis par notre égarement même et par un sort moins heureux dans la suite[1]. Quand donc la richesse et la pauvreté nous arrivent, c’est par l’effet du concours des choses extérieures. Quant aux vertus et aux vices, les vertus dérivent du fond primitif de l’âme, les vices naissent du commerce de l’âme avec les choses extérieures. Mais nous en avons traité ailleurs[2].

IX. Nous voici amenés à parler de ce fuseau que les Parques tournent selon les anciens, et par lequel Platon désigne ce qui se meut et ce qui est immobile dans la révolution du monde[3]. Selon ce philosophe, les Parques et la Nécessité, leur mère, tournent ce fuseau, et lui impriment un mouvement de rotation dans la génération de chaque être. C’est par cette révolution que les êtres engendrés arrivent à la génération. Dans le Timée[4], le Dieu qui a créé l’univers [l’intelligence] donne le principe [immortel] de l’âme [l’âme raisonnable][5], et les dieux qui exécutent leurs révolutions dans le ciel ajoutent [au principe immortel de l’âme] les passions violentes qui nous soumettent à la Nécessité, la colère, les désirs, les peines et les plaisirs ; en un mot, ils nous donnent cette autre espèce d’âme [la

  1. Plotin fait ici allusion aux peines que Platon dans Phèdre appelle la loi d’Adrastée. Voy. Enn. III, liv. iv, § 2 ; Enn. IV, liv. iv, § 4, 6.
  2. Voy. Enn. I, liv. viii ; Enn. II, liv. xi ; Enn. III, liv. i ; Enn. VI, liv. viii.
  3. République, X. Voy. plus loin la note sur le § 15.
  4. Voy. Platon. Timée, p. 41-42 ; t. XII, p. 137 et suiv. de la trad. de M. Cousin.
  5. Voy. Enn. I, liv. i, § 7-10.