Aller au contenu

Page:Plotin - Ennéades, t. I.djvu/345

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
204
DEUXIÈME ENNÉADE.

telligence soit contemporaine de la matière : car si le mélange participe à l’être, l’être est antérieur ; si l’être lui-même est le mélange, il leur faudra un troisième principe. Donc si le Démiurge est nécessairement antérieur, quel besoin y avait-il que les formes fussent en petit dans la matière, qu’ensuite l’Intelligence en démêlât l’inextricable confusion, quand il est possible de donner des qualités à la matière (puisqu’elle n’en possède aucune] et de la soumettre tout entière à la forme ? Enfin, comment tout peut-il être dans tout[1] ?

Quant à celui qui admet que la matière est l’infini (τὸ ἄπειρον)[2], qu’il explique en quoi consiste cet infini. Par infini entend-il l’immensité ? Rien de tel ne saurait exister dans la réalité : l’infini n’existe ni par soi, ni dans une autre nature, par exemple, comme accident d’un corps. L’infini n’existe pas par soi, parce que chacune de ses parties serait nécessairement infinie. L’infini n’existe pas non plus comme accident, parce que ce dont il serait l’accident ne serait par lui-même ni infini ni simple, et, par conséquent, ne serait pas la matière.

    προλέγει, ϰαὶ τὸν Ἀναξαγόραν ϰωμῳδεῖ ὅτι μὲ προλέγει, ἀλλ’ ἄμα τὸν δημιουργὸν ϰαὶ τὴν ὕλην εἰσήγαγεν. Ἀδύνατον δὲ ἅμα· δεῖ γὰρ εῖναι πρεσϐύτερον τὸν ποιητήν. Les objections que Plotin élève ici contre la doctrine d’Anaxagore avaient déjà été faites par Platon et par Aristote. Platon fait dire à Socrate dans le Phédon (p. 98) : « Je vois un homme qui n’emploie l’Intelligence à aucun usage, et qui donne pour causes à l’arrangement de l’univers, non pas des causes véritables, mais des airs, des éthers, des eaux, et toutes sortes de choses aussi étranges. » Aristote dit à son tour dans la Métaphysique (I, 4) : « Anaxagore se sert de l’Intelligence comme d’une machine pour la formation du monde ; et quand il est embarrassé d’expliquer pour quelle cause ceci ou cela est nécessaire, alors il produit l’Intelligence sur la scène ; mais partout ailleurs c’est à toute autre cause plutôt qu’à l’Intelligence qu’il attribue la production des phénomènes. »

  1. Voy. page précédente, note 3.
  2. C’est la doctrine d’Anaximandre. Voy. Diogène Laërce, II, 2.