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LIVRE SEPTIÈME.


DE LA MIXTION OÙ IL Y A PÉNÉTRATION TOTALE[1].


I. Nous avons à examiner ici la mixtion où il y a ce que l’on appelle pénétration totale des corps (ἡ δι’ ὅλων λεγομένη τῶν σωμάτων ϰρᾶσις).

Est-il possible que deux liquides soient mêlés ensemble de telle sorte qu’ils se pénètrent l’un l’autre totalement, ou que l’un des deux seulement pénètre l’autre ? Car il importe peu que le fait ait lieu d’une façon ou de l’autre.

Écartons d’abord l’opinion de ceux qui font consister la mixtion dans la juxtaposition (παράθεσις)[2], parce que c’est là un mélange plutôt qu’une mixtion[3]. En effet, la mix-

  1. Pour les Remarques générales, Voy. la Note sur ce livre à la fin du volume.
  2. Ces philosophes étaient Anaxagore et Démocrite, comme l’atteste Plutarque (Des Dogmes des philosophes, I, 17). Voyez aussi Stobée (Eclogœ, I, 18) : Ἀναξάγορας τὰς ϰράσεις ϰατὰ παράθεσιν γίγνεσθαι τῶν στοιχείων.
  3. Μιγνύντες μᾶλλον ἢ ϰιρνάντες. La différence qu’il y a entre le sens de μιγνύντες, μίξις, et celui de ϰιρνάντες, ϰρᾶσις, est expliquée par Aristote (Topiques, IV, 2) : οὔτε γὰρ ἡ μίξις ἅπασα ϰρᾶσις· ἡ γὰρ τῶν ξηρῶν μίξις οὐϰ’ ἔστι ϰρᾶσις. Le même auteur donne de la mixtion la définition suivante (De la Génération et de la Corruption, I, 10) : ἡ μίξις τῶν μιϰτῶν ἀλλοιωθέντων ἕνωσις. Voici, selon M. Ravaisson, le sens de cette définition : « La mixtion n’est pas une juxtaposition mécanique, mais une combinaison, une transformation. Le produit est différent de ses principes ; il a sa nature, son essence, sa forme propre, et il est indéfiniment divisible en parties similaires. La mixtion suppose la différence des principes constituants et l’homogénéité des parties intégrantes. » (Essai sur la Métaphysique d’Aristote, t. I, p. 422.)