Page:Plotin - Ennéades, t. I.djvu/472

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
331
PREMIÈRE ENNÉADE, LIVRE I.

discute continuellement la doctrine, ou s’en approprie les idées[1] ; mais il les résume avec une extrême concision au lieu de les commenter. Il en résulte que, pour comprendre sa pensée, il est absolument indispensable de se référer aux passages d’Aristote auxquels il fait allusion[2], et d’y chercher les développements qu’il n’a pas cru nécessaire de reproduire dans ce livre. Pour épargner au lecteur la peine de chercher lui-même les rapprochements qu’exige notre sujet, nous donnons ici, dans l’ordre le plus propre à en faciliter la comparaison, mais en nous bornant à ce livre de Plotin[3] et au traité De l’Âme d’Aristote, les passages où les doctrines de ces deux auteurs sur les facultés de l’âme offrent entre elles une analogie remarquable[4].

1. Puissance nutritive au végétative. Puissance génératrice.

« La première des images de l’âme, dit Plotin, est la sensation, qui réside dans la partie commune [l’animal] ; viennent ensuite toutes les autres formes de l’âme, formes qui dérivent successivement l’une de l’autre, jusqu’à la faculté génératrice et végétative, et en général jusqu’à la faculté qui produit et façonne autre chose que soi. » (Enn. I, liv. i, § 8, p. 45.)

Il ressort de ce passage que, pour notre auteur, la puissance nutritive ou végétative, la puissance génératrice, et la puissance qui produit et façonne autre chose que soi, c’est-à-dire, la nature[5], sont une seule et même chose. C’est également la théorie d’Aristote :

« Il faut tout d’abord parler de l’alimentation et de la génération : car l’âme nutritive se retrouve aussi dans les autres âmes ;

  1. « Porphyre dit dans sa Vie de Plotin (§ 14, p. 15) : « La Métaphysique d’Aristote est condensée tout entière dans les écrits de Plotin. » On peut dire également du livre que nous examinons : « Le traité De l’Âme y est condensé tout entier. »
  2. Plotin faisait lire dans son école les Commentaires des Péripatéticiens aussi bien que ceux des Platoniciens (Porphyre, Vie de Plotin, § 14, p. 15). Ses auditeurs devaient donc être familiarisés avec la doctrine exposée dans le traité De l’Âme d’Aristote. De plus, Plotin n’écrivait que pour ses disciples (ibidem, § 4, p. 6), afin de résumer pour leur usage les leçons qu’il leur avait faites sur un sujet particulier. Cela résulte de plusieurs passages de sa Vie écrite par Porphyre et des expressions dont il se sert lui-même, Enn. II, liv. ix, § 14, p 297-298. Il pouvait donc être compris d’eux sans entrer dans aucune des explications qui eussent été nécessaires pour des lecteurs étrangers à son enseignement.
  3. Pour le reste, Voy. la traduction de l’Ennéade IV.
  4. Nous mettons en italiques les expressions sur lesquelles portent principalement les rapprochements.
  5. Sur le sens du mot nature dans Aristote, Voy. la note 3 de la page 221.