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PREMIÈRE ENNÉADE, LIVRE III.

éprouvera-t-il pas une impression juste et pénible ? Par cela même, ne louera-t-il pas avec transport ce qu’il y a de beau, ne le recueillera-t-il pas dans son âme pour s’en nourrir et devenir par là homme vertueux, tandis que tout ce qui est laid sera pour lui l’objet d’un blâme et d’une aversion légitimes ?... Le plus beau des spectacles pour quiconque pourrait le contempler, ne serait-il pas celui de la beauté de l’âme et de celle du corps unies entre elles, et dans leur parfaite harmonie ? — Assurément. — Or, ce qui est très beau est aussi très-aimable. — Oui. — Le musicien aimera donc d’un vif amour les hommes qui lui offriront ce spectacle... Il est naturel que ce qui se rapporte à la musique aboutisse à l’amour du beau. »

Saint Augustin, dans son traité De la Musique, enseigne aussi, comme Pythagore et Platon, que l’harmonie qui charme nos sens par la musique n’est que l’expression faible et imparfaite d’une harmonie intelligible que l’esprit seul peut saisir : «  Cette harmonie qui, dans les nombres sensibles, ne se retrouve pas certaine et constante, mais dont nous reconnaissons ici-bas comme l’image et l’écho fugitif, ne serait pas désirée par l’âme, si la notion n’en existait quelque part. Or, ce n’est pas sur un point de l’espace et de temps : l’espace est inégal et le temps passager. Où la places-tu donc ? dis-le-moi, si tu le peux. Ce n’est pas dans les formes corporelles, dont, à la seule vue, tu n’oserais pas affirmer l’exacte proportion. Ce n’est pas dans les divisions du temps ; nous ignorons si elles sont plus étendues ou plus courtes qu’il ne faudrait. Où se trouve donc cette harmonie que nous souhaitons dans la forme et dans le mouvement des corps, mais pour laquelle nous ne nous fions pas à eux ? Elle se trouve dans ce qui est supérieur au corps, dans l’âme, ou dans ce qui est au-dessus de l’âme. » (Traduit par M. Villemain, Tableau de l’Éloquence chrétienne au ive siècle.)

Macrobe fait aussi allusion à la doctrine platonicienne quand il dit dans son Commentaire sur le Songe de Scipion (II, 3) :

« In hac vita omnis anima musicis sonis capitur, ut non soli qui sunt habitu cultiores, verum universæ quoque barbaræ nationes cantus, quibus vel ad ardorem virtutis animentur, vel ad mollitiem voluptatis resolvantur, exerceant : quia anima in corpus defert memoriam musicæ cujus in cœlo fuit conscia. »

B. L’Amant.

Ce que Plotin dit ici de l’Amant (§ 2, p. 65) est un résumé du discours que Socrate tient dans le Phèdre de Platon, t. VI, p. 53-72 de la trad. de M. Cousin :