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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

précise et plus vraie que celle de Platon, en ce qu’elle n’admet pas de dualisme[1], est identique à celle de saint Augustin, de Bossuet et de Leibnitz. Nous l’avons déjà prouvé pour saint Augustin et même pour Leibnitz, par le rapprochement qui se trouve dans une note sur un passage très-remarquable du livre ix de l’Ennéade II (§ 13, p. 294)[2]. Nous allons compléter ici cette démonstration par deux citations de Leibnitz et de Bossuet.

Voici comment Leibnitz s’exprime dans sa Théodicée (I, 20) :

« On demande d’où vient le mal. Les anciens attribuaient la cause du mal à la matière, qu’ils croyaient incréée et indépendante de Dieu[3]... Mais nous qui dérivons tout être de Dieu, où trouvons-nous la source du mal ? La réponse est qu’elle doit être cherchée dans la nature idéale de la créature autant que cette nature est renfermée dans les vérités éternelles qui sont dans l’entendement de Dieu indépendamment de sa volonté. Car il faut considérer qu’il y a une imperfection originale dans la créature avant le péché, parce que la créature est limitée essentiellement[4], d’où vient qu’elle ne saurait tout savoir et qu’elle peut se tromper et faire des fautes. Platon dit dans le Timée que le monde avait son origine de l’entendement joint à la nécessité[5]. D’autres ont joint Dieu et la nature. On peut y donner un bon sens. Dieu sera l’entendement ; et la nécessité, c’est-à-dire la nature essentielle des choses, sera l’objet de l’entendement, en tant qu’il consiste dans les vérités éternelles. Mais cet objet est interne et se trouve dans l’entendement divin. Et c’est là-dedans que se trouve non-seulement la forme primitive du bien, mais encore l’origine du mal : c’est la région des vérités éternelles qu’il faut mettre à la place de la matière quand il s’agit de chercher la source des choses. Cette région est la cause idéale du mal, pour ainsi dire, aussi bien que du bien ; mais, à proprement parler, le formel du mal n’en a point d’efficiente, car il consiste dans la privation, c’est-à-dire dans ce que la cause efficiente ne fait point[6]. C’est pourquoi les scolastiques ont coutume d’appeler la cause du mal déficiente[7]. »

  1. Voy. plus haut, p. 429.
  2. Pour saint Augustin, Voy., outre la citation de la page 294, celles qui se trouvent dans les notes des p. 267, 278, 285.
  3. C’est l’opinion de Platon , mais non celle de Plotin. Voy. plus haut, p. 429-430.
  4. Voy. Enn. II, liv. ix, § 4, p. 267 ; § 8, p. 279.
  5. Voy. plus haut, p. 428-430.
  6. C’est ce que Plotin affirme dans le livre viii de l’Ennéade I, § 3, p. 120 ; § 7, p. 129 ; § 12, p. 134, etc.
  7. Saint Anselme dit : « In malis facit Deas quod sunt, sed non quod mala sunt. » De Prœdistinatione, VII.) Saint Thomas n’est pas moins positif.