due. Elle est l’impuissance, le désir de l’existence. Si elle persévère, ce n’est pas dans le repos [c’est dans le changement] ; elle paraît toujours renfermer en elle-même les contraires, le grand et le petit, le moins et le plus, le défaut et l’excès. Elle devient toujours, sans persévérer jamais dans son état ni pouvoir en sortir. Elle est le manque de tout être ; par conséquent elle ment dans ce qu’elle paraît être : si, par exemple, elle paraît grande, elle est petite ; comme un vain fantôme, elle fuit et s’évanouit dans le non-être, non par un changement de lieu, mais par le défaut de réalité. Il en résulte que les images qui sont dans la matière ont pour sujet une image inférieure. C’est un miroir dans lequel les objets présentent des apparences diverses selon leurs positions, un miroir qui semble rempli quoiqu’il ne possède rien, et qui parait être toutes choses. »
XI.[1] Les passions se rapportent à ce qui est sujet à la destruction : en effet, c’est la passion qui conduit à la destruction ; pâtir et être détruit appartiennent au même être. Les choses incorporelles ne sont point sujettes à destruction : elles sont ou elles ne sont pas ; dans l’un et l’autre cas, elles sont impassibles. Ce qui pâtit ne doit pas avoir cette nature impassible, mais être capable d’être altéré et détruit par les qualités des choses qui s’y introduisent et le font pâtir : car ce qui y subsiste n’est pas altéré par le premier objet venu. Il en résulte que la matière est impassible : car elle n’a point de qualité par elle-même. Les formes qui ont la matière pour sujet sont également impassibles. Ce qui pâtit, c’est le composé de la forme et de la matière, dont l’être consiste dans l’union de ces deux choses : car il est évidemment soumis à l’action des puissances contraires et des qualités des choses qui s’introduisent en lui et le font pâtir. C’est pourquoi les êtres qui tiennent d’autrui l’existence, au lieu de la posséder par eux-mêmes, peuvent également, en vertu de leur passivité, vivre ou ne pas vivre. Au contraire, les êtres dont l’existence consiste dans une vie impassible ont nécessairement une vie permanente ; de même les choses qui ne vivent pas sont également impassibles en tant qu’elles ne vivent pas. Il en résulte que changer et pâtir ne conviennent qu’au composé de la forme et de la matière, au corps, et non à la matière ; de même, recevoir la vie et la perdre, éprouver les passions qui en sont la
- ↑ Le § XI est le sommaire des § 8-19 du livre VI.