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DEUXIÈME ENNÉADE, LIVRE IX.

deux natures, l’une en puissance, l’autre en acte. » (§ 1, p. 258.) Cette phrase de Plotin est dirigée contre la doctrine des Valentiniens.

Selon eux, Dieu est resté une longue suite de siècles avant de se manifester : il a eu successivement, d’abord la pensée, ensuite la volonté de produire. C’est pour cela que Ptolémée, comme on l’a vu plus haut (p. 503-504), distinguait en Bythos deux dispositions, qu’il appelait Ennoia et Thelesis.

Selon Plotin, au contraire, l’Un est, de toute éternité, tout à la fois la Puissance de toutes choses et l’Acte souverainement immuable (Enn. V, liv. iv, § 2 ; Enn. VI, liv. viii, § 20). De toute éternité, par une nécessité naturelle. Il a engendré l’Intelligence, l’Intelligence a engendré l’Âme, et l’Âme a fait le monde. Il en résulte que le monde est créé, en ce sens qu’il a un principe auquel il doit son existence et sa forme ; il n’est pas créé, en ce sens qu’il n’a pas eu de commencement (Enn. III, liv. ii, § 1, 2). Plotin revient plusieurs fois sur cette idée dans le livre ix (§ 3, 7 ; p. 264, 275). Dans son système, le monde n’existe, ni en vertu d’une chute (§ 4, p. 266), ni en vertu d’une détermination volontaire du Démiurge (§ 8, p. 277)[1] ; il existe nécessairement, parce que c’est une loi naturelle que le monde intelligible manifeste sa puissance par l’existence du monde sensible qui est son image (§ 3, 8 ; p. 264, 279).

2. Noûs, Logos.

Plotin dit dans deux passages que les Gnostiques supposent qu’il y a plusieurs Intelligences.

« On ne saurait imaginer au-dessous du Premier deux Intelligences, l’une en repos, l’autre en mouvement… Il ne convient pas d’admettre qu’il y ait plusieurs Intelligences, en disant que l’une pense, et que l’autre pense que la première pense. » (§ 1, p. 258-260.)

« Comprenant mal Platon, les Gnostiques ont imaginé une Intel-

  1. Voici ce que saint Augustin dit de cette opinion : « Quant à ceux qui, tout en avouant que le monde est l’ouvrage de Dieu, ne veulent pas lui reconnaître un commencement de durée, mais un simple commencement de création, ce qui se terminerait à dire d’une façon presque inintelligible que le monde a toujours été fait. Ils semblent, à la vérité, mettre par là Dieu à couvert d’une témérité fortuite, et empêcher qu’on ne croie qu’il ne lui soit venu tout d’un coup quelque chose à l’esprit qu’il n’avait pas auparavant, c’est-à-dire une volonté muable de créer le monde, à lui, qui est incapable de tout changement ; mais je ne vois pas comment cette opinion peut subsister à d’autres égards. » (Cité de Dieu, XI, 4 ; t. II, p. 268, trad. de M. Saisset.)