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LXXXIII
PRINCIPES DE LA THÉORIE DES INTELLIGIBLES.

au contraire, c’est l’unité qui domine avec l’identité : la diversité est née du développement de la puissance de l’unité. Aussi, l’être réel conserve son indivisibilité en se multipliant ; le corps conserve son volume et sa multiplicité en s’unifiant. L’être réel est édifié sur lui-même, parce qu’il est un par lui-même. Le corps n’est jamais fondé sur lui-même, parce qu’il ne subsiste que par son extension. L’être réel est donc une unité féconde, et le corps une multitude unifiée. Il faut donc déterminer avec exactitude comment l’être réel est un et divers, comment le corps est multiple et un, et ne pas donner à l’un les attributs de l’autre.

Dieu est partout et nulle part.

XLIII.[1] Dieu est partout parce qu’il n’est nulle part. Il en est de même de l’Intelligence et de l’Âme. Mais, c’est par rapport à tous les êtres qu’il surpasse que Dieu est partout et nulle part : sa présence et son absence dépendent seulement de son être et de sa volonté[2]. L’Intelligence est en Dieu, mais ce n’est que par rapport aux choses qui viennent après elle qu’elle est partout et nulle part. L’Âme est dans l’intelligence et en Dieu, mais c’est seulement par rapport au corps qu’elle est partout et nulle part[3]. Le corps est dans l’Âme et en Dieu. Toutes les choses qui possèdent ou ne possèdent pas l’être procèdent de Dieu et sont en Dieu ; mais Dieu n’est aucune d’elles, ni dans aucune d’elles. Si Dieu était seulement présent partout, il serait toutes choses et en toutes choses ; mais, d’un autre côté, il n’est nulle part ; tout est donc engendré en lui et par lui, parce qu’il est partout, mais rien ne se confond avec lui, parce qu’il n’est nulle part. De même, si l’Intelligence est le principe des âmes et des choses qui viennent après les âmes, c’est qu’elle est partout et nulle part ; c’est qu’elle n’est ni Âme, ni aucune des choses qui viennent après l’Âme, ni dans aucune d’elles ; c’est qu’elle est non-seulement partout, mais encore nulle part par rapport aux êtres qui lui sont inférieurs. De même enfin l’Âme n’est ni un corps ni dans le corps, mais seulement la cause du corps, par la raison qu’elle est à la fois partout et nulle part dans le corps. Ainsi, il y a procession (πρόοδος) dans l’univers [depuis ce qui est partout et nulle part]

  1. Le § XLIII est un commentaire du § 4 du livre V.
  2. Voy. Enn. VI, liv. VIII, § 4.
  3. Cette phrase est mal ponctuée dans le texte et dans la traduction latine. Il faut mettre la virgule avant πανταχοῦ : Anima in Mente et in Deo, ubique et nusquam in corpore.