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Page:Plotin - Ennéades, t. I.djvu/97

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XCII
PORPHYRE.

aptitude particulière d’une partie à remplir le rôle que lui a assigné la nature. Une faculté est l’habitude d’une disposition, la puissance qu’une partie a de faire la chose pour laquelle elle est disposée. On a sans inconvénient confondu la faculté et la disposition ; mais il y a une différence essentielle entre la partie et la faculté. Les facultés, quel qu’en soit le nombre, peuvent exister dans une essence unique, sans occuper tel ou tel point dans l’étendue du sujet, tandis que les parties participent en quelque sorte à son étendue et y occupent un point déterminé. Ainsi toutes les propriétés d’une pomme sont réunies dans un même sujet, mais les diverses parties qui la composent sont séparées les unes des autres. La notion de la partie implique l’idée de quantité par rapport à la totalité du sujet. La notion de la faculté, au contraire, implique l’idée de totalité. C’est pourquoi les facultés restent indivisibles parce qu’elles pénètrent tout le sujet, tandis que les parties sont séparées les unes des autres parce qu’elles ont une quantité.

Comment donc peut-on dire que l’âme est indivisible et qu’elle a trois parties ? Car, en entendant affirmer que l’âme contient trois parties sous le rapport de la quantité, il est raisonnable de demander comment l’âme peut tout à la fois être indivisible et avoir trois parties. On résout cette difficulté en disant que l’âme est indivisible en tant qu’on la considère dans son essence et en elle-même, et qu’elle a trois parties en tant qu’unie à un corps divisible elle y exerce ses diverses facultés dans diverses parties. En effet, ce n’est pas la même faculté qui réside dans la tête, dans la poitrine et dans le foie[1]. Donc, si l’on a divisé l’âme en plusieurs parties, c’est en ce sens que ses diverses fonctions s’exercent en diverses parties du corps.

Nicolas[2] disait que la division de l’âme n’était pas fondée sur la quantité, mais sur la qualité, comme la division d’un art ou d’une science. En effet, si l’on considère une étendue, on voit que le tout est la somme des parties, et qu’il augmente ou qu’il diminue selon qu’on lui ajoute ou qu’on lui ôte une partie. Or, ce n’est pas en ce sens qu’on attribue des parties à l’âme : car elle n’est pas la somme de ses parties, parce qu’elle n’est point une étendue ni une multitude. Les parties de l’âme ressemblent à celles d’un art. Il y a toutefois cette différence qu’un art est incomplet et imparfait s’il lui manque une partie, tandis que toute âme est parfaite, et que tout ani-

  1. Plotin dit que les anciens plaçaient la Raison dans la tête, l’Appétit irascible dans le cœur et l’Appétit concupiscible dans le foie (Voy. Enn. IV, liv. III, § 23).
  2. Nicolas de Damas avait composé un traité De l’Âme. C’était un commentaire sur le traité d’Aristote qui porte le même titre.