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TROISIÈME ENNÉADE.
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Ainsi, il y a harmonie entre la disposition de l’homme qui est maltraité et la disposition de celui qui le maltraite comme il le méritait. Ce n’est pas par hasard qu’un homme devient esclave, est fait prisonnier ou est déshonoré. Il a commis lui-même les violences qu’il subit à son tour. Celui qui a tué sa mère sera tué par son fils ; celui qui a violé une femme deviendra femme pour être à son tour victime d’un viol. De là vient la parole divine appelée Adrastée (θεία φήμη Ἀδράστεια)[1] : car l’ordre (διάταξις) dont


    de l’homme (ch. xliv, p. 269 de la trad. de M. Thibault) : « Pourquoi les hommes de bien sont-ils mis à mort injustement et sont-ils égorgés sans motifs ? Si c’est injustement, pourquoi la Providence, qui est juste, ne l’a-t-elle pas empêché ? Si c’est justement, les meurtriers ne sont donc pas coupables ? Nous répondrons à cela que le meurtrier a commis une action injuste, et que celui qui a été mis à mort a souffert justement ou utilement : justement, si c’est à cause de quelques mauvaises actions qui nous sont inconnues ; utilement, si c’est parce que la Providence a prévu qu’il ferait dans la suite de mauvaises actions. Socrate et les saints nous en fournissent des exemples. Quant au meurtrier, il est criminel : car il n’a pas donné la mort par les motifs que nous venons de dire, et il n’avait pas le droit de la donner, mais il y a été porté par des motifs coupables… On doit raisonner de la même manière au sujet de ceux qui tuent leurs ennemis ou qui les font prisonniers et qui les soumettent ensuite aux plus durs traitements ; au sujet de ceux qui, poussés par leur cupidité, dépouillent les autres de ce qu’ils possèdent. En effet, il est vraisemblable que ceux qui ont été dépouillés l’ont été pour leur avantage ; mais ceux qui leur ont dérobé leurs biens n’en sont pas moins injustes : car ils les ont dépouillés, non pas pour leur rendre service, mais parce qu’ils ont été poussés à cette mauvaise action par la cupidité. » On trouve aussi des idées analogues dans la Cité de Dieu, de S. Augustin.

  1. Plotin fait ici allusion à un passage du Phèdre (t. VI, p. 53 de la trad. de M. Cousin), où il est question de la loi d’Adrastée. Ce nom, qui signifie l’inévitable, est le symbole de l’ordre nécessaire des choses. Voici comment Creuzer commente ce passage de Plotin (t. III, p. 149) : « Les Orphiques avaient apporté d’Égypte en Grèce la notion de la déesse que les Égyptiens appelaient Athor, les