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TROISIÈME ENNÉADE.


V. Mais si [avant de venir sur la terre] l’âme choisit sa vie et son démon, comment conservons-nous encore notre liberté ? C’est que ce qu’on appelle choix désigne d’une manière allégorique le caractère de l’âme et la disposition générale qu’elle a partout. — Mais [dira-t-on], si le caractère de l’âme est prépondérant, si l’âme est dominée par la partie que la vie précédente a rendue la plus active en elle, ce n’est plus le corps qui est pour elle la cause du mal : car, si le caractère de l’âme est antérieur à son union avec le corps, si elle a le caractère qu’elle a choisi, si, comme le dit Platon, elle ne change pas son démon[1], ce n’est pas ici-bas qu’un homme peut devenir bon ou mauvais. — L’homme est en puissance bon et mauvais également. Il devient en acte l’un ou l’autre [par son choix][2].

Qu’arrivera-t-il donc si un homme vertueux a un corps d’une mauvaise nature, un homme vicieux un corps d’une bonne nature ? — La bonté de l’âme a plus ou moins d’influence sur la bonté du corps. Les choses extérieures ne changent pas le caractère choisi par l’âme. Quand Platon dit que les sorts sont répandus devant les âmes, ensuite que les diverses espèces de conditions sont étalées devant elles, enfin que la fortune de chacun résulte du choix qu’il fait parmi les diverses espèces de vie présentes, choix qu’il fait selon son caractère[3], il attribue évidemment à l’âme le pouvoir de rendre conforme à son caractère la condition qui lui est échue[4].

  1. Voy. ci-dessus, p. 93, note 1.
  2. Porphyre complète la pensée de Plotin dans sa Lettre à Marcella (§ 29, p. 50) : « N’accusons pas la chair d’être la cause des grands maux ; n’imputons pas nos infortunes aux choses qui nous entourent ; cherchons-en plutôt les causes dans notre âme. » C’est précisément la doctrine que S. Augustin reproche à Plotin et à Porphyre de ne pas avoir professée assez explicitement. Voy. les Éclaircissements du tome I, p. 434.
  3. Voy. Platon, République, X, p. 617-620 ; t. X, p. 287-293, trad. de M. Cousin.
  4. Proclus interprète de la même manière ce passage de la République (Comm. sur l’Alcibiade, t. II, p. 302-305.)