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LIVRE CINQUIÈME.


et présenter comme séparées les unes des autres beaucoup de choses qui existent simultanément, mais qui sont éloignées par leur rang ou par leurs puissances : c’est pour cela qu’on y parle de la génération de choses qui n’ont réellement pas été engendrées[1], et qu’on y sépare celles dont l’existence est simultanée[2]. Mais, après avoir [par cette analyse] donné l’instruction qu’ils sont capables de fournir, les mythes laissent à l’esprit qui les a conçus le soin d’opérer la synthèse. Or, voici notre synthèse (συναίρεσις) :

Vénus, c’est l’Âme qui coexiste à l’Intelligence et subsiste par l’Intelligence ; elle reçoit d’elle les raisons qui la remplissent[3], dont la beauté l’embellit et dont l’abondance nous fait voir en elle la splendeur et l’image de toutes les beautés. Les Raisons qui subsistent dans l’Âme sont Poros ou l’abondance (εὐπορία) du nectar qui découle[4] de là-haut. Leurs splendeurs qui brillent dans l’Âme, comme dans la Vie, sont le jardin de Jupiter. Poros s’endort dans ce jardin, parce qu’il est appesanti par la plénitude qu’il a en lui. Comme la Vie se manifeste et existe toujours dans l’ordre des êtres, Platon dit que les dieux sont assis à un festin, parce qu’ils jouissent toujours de cette béatitude.

L’Amour existe nécessairement depuis que l’Âme existe elle-même, et il doit son existence au désir (ἔφεσις) de l’Âme qui aspire au meilleur et au Bien. C’est un être mixte : il participe à l’indigence, parce qu’il a besoin de se rassasier ; il participe aussi à l’abondance, parce qu’il s’efforce d’acquérir le bien qui lui manque encore (car ce qui serait tout à fait dénué du bien ne saurait le chercher). On a donc raison de dire que l’Amour est fils de Poros et de Penia :

  1. C’est une allusion au Timée, où Platon raconte la génération du monde, qui cependant n’a point de commencement selon Plotin.
  2. Selon Proclus, le mythe consiste à nommer Dieux les différents aspects de la puissance divine. Voy. la Théologie selon Platon, I, 30.
  3. Voy. t. I, p. 191, 262, etc.
  4. Nous lisons avec M. Kirchhoff ῥυέντος au lieu de ῥυέντες.