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LIVRE SEPTIÈME.


futur, de n’être point rapporté à un autre temps soit mesurable, soit indéfini et devant être d’une manière indéfinie, l’Être qui a déjà tout ce qu’il doit avoir est l’Être même que cherche notre intelligence ; il ne tient pas son existence de telle ou telle quantité, il existe avant toute quantité ; n’étant aucune espèce de quantité, il doit n’admettre en soi aucune espèce de quantité. Sans cela, comme sa vie serait divisée, il cesserait d’être lui-même absolument indivisible ; or l’Être doit être indivisible dans sa Vie comme dans son Essence. [S’il est dit dans le Timée] « le Démiurge était bon[1], » cette expression se rapporte à la notion de l’univers et indique que, dans le principe supérieur à l’univers, rien n’a commencé d’être à une certaine époque. L’univers n’a donc pas commencé d’être dans le temps parce que, si son auteur est avant lui, c’est seulement en ce sens qu’il est la cause de son existence[2]. Mais, après avoir employé le mot était pour exprimer cette pensée, Platon se reprend ensuite et montre que ce mot n’a point d’application aux choses qui possèdent l’éternité[3].

VI. Quand nous parlons ainsi de l’éternité, est-elle pour nous une chose étrangère et au sujet de laquelle nous soyons obligés de consulter le témoignage d’autrui ? Comment cela serait-il possible ? Comment en effet connaîtrions-nous ce que nous ne saurions percevoir ? Comment pourrions-nous percevoir une chose qui nous serait

  1. Voy. Platon, Timée, p. 29. Boëce dit à ce sujet : « Unde non recte quidam, qui, quum audiunt visum Platoni, mundum hunc nec habuisse initium temporis nec habiturum esse defectum, hoc modo conditori conditum mundum fieri coæternum putant. Aliud est enim per interminabilem duci vitam, quod mundo Plato tribuit ; aliud interminabilis vitæ totam pariter complexum esse præsentiam, quod divinæ Mentis proprium esse manifestum est. Neque Deus conditis rebus antiquior videri debet temporis quantitate, sed simplicis potius proprietate naturœ. » (De Consolatione philosophiœ, V, 6.)
  2. Voy. ci-dessus, p. 21.
  3. Voy. le passage de Platon cité ci-dessus, p. 176, note 1.